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L'ŒUVRE D'ART ET SES SIGNIFICATIONS. ESSAIS SUR LES " ARTS VISUELS ", Erwin Panofsky Fiche de lecture

Succès et critiques de la méthode iconologique

La fortune de la méthode iconologique de Panofsky sera considérable dans les sciences humaines. Claude Lévi-Strauss reconnaîtra en Panofsky un « authentique structuraliste », alors que Pierre Bourdieu verra dans cette méthode, telle qu'elle est mise en œuvre dans Architecture gothique et pensée scolastique, inséparable selon lui du programme iconologique en tant que tel, « un des plus beaux défis jamais lancé au positivisme ». Si l'explicitation de la méthode fut à l'origine de nombre d'ouvrages marquants, en histoire de l'art, – par exemple Rembrandt'sAnatomy of Dr. NicolaasTulp. An IconologicalStudy (1955), de William S. Heckscher –, elle fut souvent contestée, notamment par E. H. Gombrich, qui n'y voyait qu'une version raffinée de la vieille « histoire des idées » (Geistesgeschichte), ou encore par Otto Pächt, pour qui l'iconologie portait en elle le risque de transformer en « texte » le message visuel spécifique des œuvres d'art. C'est même dans la dénonciation explicite des limites de l'iconologie que se construisirent au sein de la discipline, depuis les années 1970, quelques-unes des ouvertures les plus marquantes vers l'anthropologie.

Ainsi, pour Michael Baxandall, chez qui l'accent porté sur la culture visuelle spécifique à un lieu et à une époque fait quitter les « jeux d'esprit » de l'iconologie pour la perception plus commune du spectateur (L'Œil du Quattrocento, 1972). Dans L'Art de dépeindre (1983) de Svetlana Alpers, ce ne sont plus les notions d'art et de signification qui deviennent pertinentes, mais celles d'image et de description. Jusqu'à l'histoire « indiciaire » de l'italien Carlo Ginzburg qui substitue la figure de Warburg à celle de Panofsky. Prenant enfin conscience de l'originalité profonde des écrits du premier, cette génération d'historiens percevait mieux ce qui séparait, en dépit des convergences thématiques, l'histoire de l'art de ces deux grandes figures. Analysant la gravureMelencolia I, Warburg cherchait la clé de sa signification dans les peurs et les superstitions que Dürer aurait cherché à combattre ; Panofsky y reconnaissait à l'inverse la mélancolie de ceux qui ne peuvent étendre leur pensée au-delà des limites de l'espace.

— François-René MARTIN

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Écrit par

  • : ancien pensionnaire à l'Institut national d'histoire de l'art, chargé de cours à l'École du Louvre

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Média

<it>Polyptyque de l'Agneau mystique</it>, partie centrale, H. et J. van Eyck - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Polyptyque de l'Agneau mystique, partie centrale, H. et J. van Eyck