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L'OMBILIC DES LIMBES, Antonin Artaud Fiche de lecture

Antonin Artaud dans <it>La Passion de Jeanne d'Arc</it> - crédits : Henry Guttmann/ Getty Images

Antonin Artaud dans La Passion de Jeanne d'Arc

Il faut se figurer, d'un siècle l'autre, ce que représenta la parution de L'Ombilic des limbes dans la prestigieuse collection Une œuvre, un portrait des éditions de La Nouvelle Revue française, accompagnée d'un portrait d'Antonin Artaud (1896-1948) par son ami peintre André Masson. Ce n'est pas chose aisée.

L'achevé d'imprimer est du mois de juillet 1925, et le tirage relativement restreint – un peu moins de huit cents exemplaires – comme il est de mise pour cette collection destinée à introduire une voix inconnue. Le visage ici représenté, cette voix poétique constituent donc pour les lecteurs une découverte, même si certains d'entre eux ont déjà reconnu, sous l'étoile qui dissimulait en septembre 1924 l'auteur d'une surprenante Correspondance avec Jacques Rivière(reprise en 1927 dans cette même collection), un jeune acteur membre actif du groupe surréaliste et signataire de bien des déclarations publiques.

« Je ne conçois pas d'œuvre comme détachée de la vie »

Ces textes et poèmes font l'objet dès le départ d'une sorte de malentendu qui n'a rien d'anecdotique : ils intriguent depuis 1923 J. Rivière, rédacteur en chef de la N.R.F., qui ne consent pas à les publier, mais s'émerveille de l'échange de lettres auquel cela donne lieu ; le jeune secrétaire de la revue, Jean Paulhan, les trouve pour sa part remarquables. Finalement, et dans un premier temps, les poèmes paraîtront en volume, les lettres en revue. C'est que l'exigence d'Artaud est déjà tout entière constituée : « Là où d'autres proposent des œuvres je ne prétends pas autre chose que de montrer mon esprit. La vie est de brûler des questions. Je ne conçois pas d'œuvre comme détachée de la vie. Je n'aime pas la création détachée », affirment les premiers mots de L'Ombilic des limbes.

Ce n'est pas tout à fait un poète ni un écrivain qui publie ce livre – faisant suite à Tric-trac du ciel, une courte plaquette de seize pages imprimée en 1923 par le galeriste D.-H. Kahnweiler, il précède d'un mois les soixante-quinze exemplaires du Pèse-nerfs, imprimés par les soins d'Aragon et des surréalistes. Artaud n'est alors qu'un comédien récemment engagé corps et âme dans l'aventure surréaliste, dont la signature est dispersée dans un certain nombre de revues peu connues (Demain, L'Ère nouvelle, La Criée, Action), à l'exception notable des poèmes parus dans le Mercure de France en décembre 1922. Ce moment, que Jean-Michel Rey qualifie de « pas inaugural (explicite) de toute l'œuvre », se caractérise dans l'ensemble des écrits d'Artaud par son extrême cohérence, et par la vigueur de son projet. Douze textes se succèdent, que présente une note liminaire qui n'est pas une Préface mais « un glaçon aussi mal avalé », sous le feu de cette proposition : « Il faut en finir avec l'Esprit comme avec la littérature. Je dis que l'Esprit et la vie communiquent à tous les degrés. Je voudrais faire un Livre qui dérange les hommes, qui soit comme une porte ouverte et qui les mène où ils n'auraient jamais consenti à aller, une porte simplement abouchée avec la réalité. »

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Écrit par

  • : maître de conférences à l'université de Pau et des pays de l'Adour, faculté de Bayonne

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Média

Antonin Artaud dans <it>La Passion de Jeanne d'Arc</it> - crédits : Henry Guttmann/ Getty Images

Antonin Artaud dans La Passion de Jeanne d'Arc