L'OPÉRA DE QUAT'SOUS (mise en scène de T. Ostermeier)
La version mise en scène par Thomas Ostermeier de L’Opéra de quat’sous de Bertolt Brecht et Kurt Weill a été créée au festival d’Aix-en-Provence, le 4 juillet 2023, sous la direction musicale de Maxime Pascal avec l’ensemble Le Balcon et la troupe de la Comédie-Française, dans une traduction réactualisée d’Alexandre Pateau. Elle a ensuite été reprise à la Comédie-Française, du 23 septembre au 5 novembre 2023.
Thomas Ostermeier, codirecteur de la Schaubühne de Berlin, aime rappeler sa formation au théâtre brechtien de Berlin-Est à l’école d’art dramatique Ernst-Busch, du nom de l’acteur chanteur qui participa à la création de la pièce en 1928. Il se confronte ici à l’art inventif de Bertolt Brecht, entre la fidélité à une époque – le monde en crise de l’entre-deux-guerres – et un souci de divertissement qui n’entame pas le propos moral de L’Opéra de quat’sous. Cela pour le plaisir des acteurs du Français, auxquels il offre cette œuvre subversive aux accents musicaux dissonants, qui mêle musique savante et musique populaire.
Une « pièce avec musique »
Adaptée de Beggar’s Opera (1728) de John Gay, cette œuvre de Brecht, la plus montée en Allemagne au xxe siècle, est antérieure au théâtre proprement épique et politique marqué par le marxisme de l’auteur. Elle évoque un avenir plus humain et plus digne, tout en fustigeant le laisser-aller et la corruption d'un capitalisme hypocrite arrogant. En 1928, l’espoir soulevé par la révolution communiste est déjà contredit par la terreur stalinienne. Plus ramassée et directe que celles qui suivront, cette première version de L’Opéra de quat’sous renoue avec le bouleversement esthétique qui accompagna les premières années de la révolution russe.
Ce contexte s’est précisément imposé à la scénographe Magda Willi et au vidéaste Sébastien Dupouey, qui ont fait appel aux artistes novateurs des années 1917-1918, de Meyerhold à Maïakovski, précurseurs, sur les scènes de théâtre russes, du constructivisme et de l’esthétique du collage. Les séquences vidéo reviennent sur l’utopie communiste qui gagna toute l’Europe au cours des années 1920 et 1930. L’orchestre multi-instrumentiste à effectif réduit, cher à Kurt Weill, compte des instruments électriques, électroniques et d’époque. On y entend les influences populaires d’Europe centrale, celles qui résonnent dans l’œuvre de Gustav Mahler ou, plus près de nous, du compositeur bosnien Goran Bregović.
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Écrit par
- Véronique HOTTE : critique de théâtre
Classification
Média