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L'ORGANISATEUR, Claude-Henri de Rouvroy, comte de Saint-Simon Fiche de lecture

Saint-Simon - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Saint-Simon

Au tout début du xixe siècle, en France, les doctrines contestataires occupent le devant de la scène dans un contexte d'incertitude qui se prolongera jusqu'à l'avènement de la IIe République, en 1848. Véritable « théorie sociale » comportant des applications pratiques, l'œuvre de Claude-Henri de Rouvroy, comte de Saint-Simon (1760-1825) décrit la construction d'un « système industriel et scientifique ». Il l'expose dans différents ouvrages et brochures dont L'Organisateur, écrit entre novembre 1819 et février 1820. Cette nouvelle organisation sociale a pour but de modifier le sort de « la classe la plus nombreuse et la plus pauvre », et de métamorphoser les rapports sociaux en reconsidérant les droits de chacun.

« Parabole industrielle » et loi d'évolution historique

L'Organisateur commence par une lettre intitulée « Premier Extrait de L'Organisateur », qui deviendra la célèbre « Parabole de Saint-Simon ». Il y oppose les conséquences économiques de la disparition des savants et industriels à celle des princes et hommes politiques : « Nous supposons que la France perde subitement ses cinquante premiers physiciens, ses cinquante premiers chimistes, ses cinquante premiers physiologistes, [...]. Comme ces hommes sont les Français les plus essentiellement producteurs, ceux qui donnent les produits les plus importants, ceux qui dirigent les travaux les plus utiles à la nation [...] il faudrait à la France au moins une génération entière pour réparer ce malheur. [...] Admettons que la France conserve tous les hommes de génie qu'elle possède dans les sciences, dans les beaux-arts et dans les arts et métiers mais qu'elle ait le malheur de perdre le même jour Monsieur, frère du Roi, Monseigneur le duc d'Angoulême, Monseigneur le duc de Berry [...] il n'en résulterait aucun mal politique pour l'État. » Cette parabole ouvre alors la voie à une nouvelle organisation sociale devenue historiquement nécessaire et caractérisée par un État « professionnel » où les industriels sont au premier plan.

Saint-Simon fonde son système industriel sur une loi historique de progression des sociétés. S'inspirant de Condorcet, dans lequel il voit la première tentative d'une véritable théorie de l'évolution de l'espèce humaine, Saint-Simon expose la théorie des « trois états » – qui sera reprise par Auguste Comte – menant, comme pour l'individu, une société à maturation. Différents systèmes se sont ainsi succédé : le régime militaire et féodal, dont le but est la conquête ; le régime métaphysique par essence transitoire ; enfin, le régime industriel dont le but est le travail. Cette succession constitue une progression vers la phase ultime : « le système industriel et scientifique » conforme à l'esprit du xixe siècle, et qui implique un renouvellement des institutions. Saint-Simon propose alors une sorte de Parlement tripartite : la « chambre d'invention » regroupe les artistes et savants chargés de penser les nouveaux projets industriels ; la « chambre d'examen », composée de physiciens et de mathématiciens, examine ces projets. Ces deux chambres sont soumises à la « chambre d'exécution », composée d'industriels, qui, en votant et en recouvrant l'impôt, assure la réalisation et l'exécution des travaux. Cette nouvelle organisation sociale repose sur un principe fondamental : « Dans une coopération, chacun obtient un degré d'importance et des bénéfices proportionnels à sa capacité et à sa mise ; ce qui constitue le plus haut degré d'égalité qui soit possible et désirable. Tel est le caractère fondamental des sociétés industrielles. » Ce principe – « à chacun selon ses capacités » – vise, pour Saint-Simon, à éliminer tout arbitraire dans l'exercice des fonctions publiques et caractérise une « société de producteurs », conciliant le « pouvoir[...]

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Écrit par

  • : chercheur au G.R.E.S.E. (Groupe de recherches épistémologiques et socio-économiques), université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne

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Saint-Simon - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

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