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L'USAGE DU MONDE, Nicolas Bouvier Fiche de lecture

En juin 1953, après des études de lettres et de droit, le jeune Nicolas Bouvier (1929-1998) quitte sa Suisse natale pour un périple de près de trois ans qui le mènera jusqu’au Japon. L’Usage du monde est le récit de la première partie de ce voyage, effectué en compagnie de son ami, le peintre Thierry Vernet (1927-1993), de Belgrade à Kaboul, puis poursuivi seul jusqu’à la passe de Khyber, à la frontière entre l’Afghanistan et l’Inde. Écrit entre 1954 et 1961 à partir de souvenirs, mais aussi de notes et de lettres rédigées au gré des étapes, le livre, illustré de dessins de Vernet, est refusé par plusieurs éditeurs avant d’être finalement publié à compte d’auteur à la Librairie Droz, en 1963. Il passe alors relativement inaperçu, et n’est connu et admiré que d’une poignée d’initiés. Plusieurs fois réédité, il rencontrera un vaste public au début des années 1990. Depuis, L’Usage du monde est devenu comme le paradigme du récit de voyage moderne, et Bouvier le modèle de l’écrivain voyageur.

Éloge de la lenteur

Le livre se présente sous la forme d’un journal rétrospectif, composé de cinq chapitres – sans compter l’avant-propos –, correspondant à différents lieux traversés, eux-mêmes divisés en « séquences » de longueurs inégales, faisant mention d’indications spatiales ou temporelles.

Parti seul de Genève à bord d’une petite Fiat Topolino, l’auteur-narrateur retrouve à Belgrade Thierry Vernet. Les deux amis s’installent dans un atelier vide de la banlieue de la ville, où ils résideront plusieurs semaines, dans des conditions précaires, en compagnie d’autres artistes. Après un bref circuit dans le nord du pays pour enregistrer des chants et de la musique tziganes, ils partent pour la Macédoine, demeurent quelque temps dans la petite ville cosmopolite de Prilep, puis poursuivent jusqu’à Istanbul. Sans argent, après avoir cherché, en vain, Vernet à exposer ses toiles, Bouvier à placer des articles dans les journaux ou à donner quelques cours, ils reprennent leur route vers l’est, bien décidés à arriver en Iran avant l’hiver (on est alors en octobre).

Le trajet se révèle interminable : ce sont des heures de conduite épuisantes sur des routes difficiles, des cols franchis en poussant la voiture, de brèves étapes dans des villages où les deux voyageurs peuvent néanmoins compter sur l’hospitalité des habitants. Ils arrivent enfin à Tabriz, en Azerbaïdjan iranien, où ils resteront six mois (automne et hiver 1953), un long séjour qui offre l’opportunité d’une observation approfondie de la vie quotidienne de la population, avec son importante communauté arménienne. Vernet peint ; Bouvier trouve des élèves à qui il enseigne le français et il écrit.

Une fois l’hiver passé, les deux amis décident de se rendre au Kurdistan. À Mahabad, ils sont « hébergés » dans la prison de la ville par le capitaine de la police, méfiant en période d’élections. Celles-ci terminées, Bouvier et Vernet peuvent retourner librement à Tabriz. En avril, la fin des crues et la fonte des neiges leur permettent de repartir. Sur une route en très mauvais état, défoncée par les camions, la voiture s’embourbe régulièrement. À Téhéran, ils font la connaissance de plusieurs « personnages » : Ghaleb, rédacteur « au plus grand journal de la ville », qui promet monts et merveilles, mais se révèle sans réelle influence ; le directeur de l’institut franco-iranien, qui organise une exposition des œuvres de Vernet ; ou encore Sorab, gérant d’une parfumerie, ancien drogué, ancien communiste et amateur de poésie.

Ils reprennent ensuite la route en direction d’Ispahan, où ils ne restent pas, car saisis d’un sentiment mêlé d’émerveillement et de rejet. Scandé de péripéties (pannes de voiture, accident de camion…), le voyage les mène, épuisés, jusqu’à la frontière irano-pakistanaise. Ils[...]

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  • BOUVIER NICOLAS (1929-1998)

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    ...Lanka). La première partie de ce voyage, entrepris avec le peintre Thierry Vernet (1927-1993) et qui va de la Yougoslavie au Kurdistan, sera racontée dans L'Usage du monde (1963), illustré avec les croquis de son compagnon de route. L'ouvrage évoque les terres de l'Asie, la recherche des « lieux auspicieux...