LA BELLE HÉLÈNE (J. Offenbach)
Celle que l'on considère comme la reine des opérettes françaises – bien qu'il s'agisse en réalité d'un opéra bouffe – est créée le 17 décembre 1864 au Théâtre des Variétés, à Paris. Offenbach a profité de la liberté des théâtres – un décret de Napoléon III du 6 janvier 1864 délivre les scènes parisiennes du poids des privilèges et de la contrainte des genres – pour quitter les Bouffes-Parisiens, où il travaillait, et emménager au Théâtre des Variétés, alors célèbre théâtre de vaudeville. Dans ce contexte, sa « grande pièce d'hiver » se doit d'être un succès. La Belle Hélène, renouant avec le genre de la parodie mythologique qui avait valu à ses auteurs le triomphe d'Orphée aux enfers, en 1858, réunira donc de nombreux atouts : l'heureuse association de Meilhac avec Halévy, librettistes pleins d'ingéniosité et d'humour, Hortense Schneider dans le rôle-titre et, bien sûr, une musique allante et pleine d'esprit, l'une des plus brillantes jamais composée par Offenbach. Si le scandale est moins retentissant qu'à l'époque d'Orphée, il n'en est pas moins profond et durable : la modernité irrévérencieuse d'un ouvrage qui se targue de faire « cascader la vertu » – à l'inverse de son modèle homérique, Hélène cède sans difficulté à son ravisseur Pâris –, fera certes sourire Nietzsche mais pas les garants de l'austère tradition artistique et de l'ordre moral. Parmi d'autres, Offenbach sera accusé d'avoir contribué à plonger la France dans une décadence dont la guerre de 1870 aura été la conséquence inévitable ; dans Nana (1880), Zola condamnera avec brutalité La Belle Hélène, sous le titre de La Blonde Vénus.
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Écrit par
- Timothée PICARD : ancien élève de l'École normale supérieure et de Sciences Po Paris, assistant à l'université Marc Bloch (Strasbourg), critique musical
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