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LA BIBLE (trad. 2001)

L'événement de la première rentrée littéraire française du xxie siècle a accompli la prédiction d'André Malraux : il a été d'ordre spirituel. Après six ans de travail, l'équipe de vingt écrivains et vingt-sept exégètes réunie par les éditions Bayard autour des Français Frédéric Boyer (écrivain) et Marc Sevin (exégète) et du Canadien Jean-Pierre Prévost (théologien) a mené à bien la traduction de la Bible (Bayard et Mediaspaul, 2001), selon une méthodologie et des principes inédits. Pour rendre compte de l'aspect polyphonique de cet ouvrage fondateur du patrimoine culturel et religieux universel, dont l'écriture en hébreu, en araméen et en grec, s'est étendue sur près de 1 000 ans et aborde tous les genres (récits mythiques et légendaires, textes législatifs, généalogies, chroniques historiques, contes et poèmes, prières, hymnes et psaumes, romans, dialogues, proverbes, lamentations, exhortations prophétiques...), les éditions Bayard ont rompu avec la tradition du traducteur unique (comme André Chouraqui ou Henri Meschonnic) ou appartenant à une école, comme l'École biblique de Jérusalem (Bible de Jérusalem). Des binômes ont été constitués, différents pour chacun des 73 Livres, et comprenant à chaque fois un scientifique spécialisé dans l'étude du canon biblique et un écrivain contemporain catholique, protestant, juif ou agnostique, Français ou Canadien, au départ peu au fait des questions posées par la traduction de ces textes dont il avait pour tâche de renouveler la langue, afin de la rendre proche de ses contemporains.

Le pari a été tenu si on se réfère aux chiffres : 150 000 exemplaires ont été vendus de septembre à décembre 2001. Les librairies religieuses ne sont responsables que de 15 p. 100 des ventes. Un nouveau public a été atteint par cette Bible qui n'est pas une adaptation mais un vrai travail littéraire : chaque auteur s'est impliqué totalement et a gardé sa personnalité propre, tout en restant fidèle à la lettre du texte auquel il s'est affronté. L'exégète a veillé sur l'exactitude : il a fourni le point de départ, le « mot à mot » accompagné de notes explicatives et, en cas de tension, la décision finale lui est toujours revenue. « Ce travail à deux, explique Frédéric Boyer, s'est fait dans la précision qui se multiplie, dans l'intensification ». Le résultat final porte indubitablement la marque de l'écrivain et de son style. Lorsque Jacques Roubaud s'empare, avec Marie Borel, de l'Ecclésiaste qui reprend son titre hébreu, Qohélet, il rend la pensée moderne et paradoxale de ce texte violent et ironique en le dépouillant de sa ponctuation et en le scandant en quatrains très épurés. Quand Jean Echenoz accepte de traduire le Livre de Samuel, il met l'accent sur la part romanesque, la narration vive du texte. Dans les Psaumes, Olivier Cadiot fait entendre « une sorte de poétique du murmure brisé ». Marie N'Diaye, elle, voit dans le livre de Judith un conte, tandis que Florence Delay cherche à dépouiller l'Évangile de Jean des « encombrements qui peuvent masquer la parole de Jésus ». La sobriété et la vivacité font partie des caractéristiques communes à l'ensemble de cette entreprise qui fait retentir de multiples voix et garde très présente la vocation de ces textes à être lus.

La lecture à voix haute, en effet, a été intégrée au processus de travail : l'exégète faisait d'abord entendre le texte hébreu ou grec, et les propositions de l'écrivain étaient lues devant quatre ou cinq membres de l'équipe. Entendant parler de ce « chantier » par leurs amis écrivains, des hommes de théâtre ont réagi. Marcel Bozonnet, le nouvel administrateur de la Comédie-Française, y a vu une invitation à revenir aux origines du théâtre, à la source des « mystères » et des « drames liturgiques[...]

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