LA BIBLE DÉVOILÉE (I. Finkelstein et N. A. Silberman)
Ce livre, traduit de l'anglais The Bible Unearthed par Patrice Ghirardi (La Bible dévoilée. Les nouvelles révélations de l'archéologie, Bayard, Paris, 2002), présente un essai à la fois audacieux et tonique des apports de l'archéologie des cinquante dernières années à la compréhension de la tradition biblique.
Le Prologue, intitulé « Au temps du roi Josias », précise la thèse qui sous-tend l'ouvrage, à savoir que la rédaction de la Bible, tout au moins de son historiographie ancienne, doit être datée vers la fin du viie siècle avant notre ère, sous le roi Josias. Dès lors, il s'agit « de raconter l'histoire de l'ancien Israël et la naissance de son écriture sacrée à partir de la perspective nouvelle que nous propose l'archéologie » et « d'expliquer non seulement à quelle époque la Bible fut composée, mais aussi pourquoi elle le fut, et pourquoi, aujourd'hui encore, le pouvoir d'évocation de ce texte demeure inchangé ».
Le livre commence par déconstruire l'interprétation historique traditionnelle des traditions bibliques anciennes : les patriarches, l'exode, la conquête de Canaan, l'immigration israélite et la monarchie unifiée sous David et Salomon ne sont que des légendes rédigées au viie siècle pour justifier la politique du roi Josias. Pour les auteurs, Israël ne commence à émerger historiquement que sous la forme du royaume du Nord, au début du ixe siècle, le royaume de Juda n'entrant vraiment dans l'histoire que vers la fin du viiie siècle. L'archéologie prend aussi généralement à contre-pied l'historiographie des livres des Rois : selon les données mises au jour par les fouilles et les explorations de surface, les rois condamnés par l'historiographie deutéronomique ont été de grands rois, tandis que ceux qui sont loués dans la Bible pour leur réforme religieuse ont échoué et mené le pays à sa ruine. Cela est vrai tout aussi bien pour le royaume d'Israël, disparu en 720, que pour celui de Juda, disparu en 586 avant notre ère.
Enfin, un dernier chapitre évoque la réinterprétation de cette histoire après l'exil, sous Esdras et Néhémie : « Une fois encore une autorité centrale cherchait à souder l'unité de la population. Et, une fois encore, cette unité se réalisa grâce à la brillante reformulation du noyau historique de la Bible, de telle manière qu'il puisse servir de fondement identitaire et spirituel au peuple d'Israël, confronté aux désastres, aux défis religieux et aux aléas politiques qui le menaçaient. »
Un épilogue (« L'Avenir de l'Israël biblique ») et plusieurs appendices, sur les patriarches, le Sinaï, la conquête, David et Salomon, Manassé, le royaume de Josias et la province de Yehoud, closent ce livre rédigé par le responsable de l'Institut d'archéologie de Tel-Aviv et celui du Ename Center for Public Archaeology and Heritage Presentation de Belgique.
Généralement bien informé, bien écrit et bien traduit (sauf quelques noms propres), marqué par un souffle certain de la part d'auteurs passionnés par l'archéologie, ce livre plonge le public cultivé dans un des courants actuels marquant la recherche tant archéologique que biblique et les rapports entre ces deux disciplines. Il a le grand mérite de présenter clairement la position des auteurs, connus pour leurs travaux en archéologie, et leur effort pour la mettre à la disposition d'un large public.
Cependant, soumis à l'emploi fréquent des verbes « prouver » et « démontrer », le lecteur a généralement l'impression que le débat est clos et que les diverses affirmations que comporte ce livre font partie des acquis de l'archéologie et de l'exégèse scientifique. Cela est en grande partie vrai pour la datation d'une époque patriarcale au Bronze moyen, ou pour une conquête militaire de Canaan,[...]
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Écrit par
- André LEMAIRE : directeur d'études honoraire, École pratique des hautes études, correspondant français de l'Académie des inscriptions et belles-lettres
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