LA BOHÈME (G. Puccini)
Opéra en quatre tableaux sur un livret de Giuseppe Giacosa et Luigi Illica d'après le roman Scènes de la vie de bohème d'Henri Murger (paru en feuilleton de 1845 à 1848) et l'adaptation théâtrale qui en a été tirée par l'auteur et Théodore Barrière en 1849, La Bohème est composé par Giacomo Puccini entre l'été de 1894 et le début de décembre 1895, et créé au Teatro Regio de Turin le 1er février 1896 sous la direction d'un chef alors peu connu, Arturo Toscanini. Les rôles principaux sont tenus par les sopranos Cesira Ferrani (Mimì) et Camilla Pasini (Musetta), le ténor Evan Gorga (Rodolfo), les barytons Tieste Wilmant (Marcello) et Antonio Pini-Corsi (Schaunard), les basses Michele Mazzara (Colline) et Alessandro Polonini (Benoît et Alcindoro). L'œuvre ne reçoit qu'un accueil mitigé : le public et la critique sont déroutés à la fois par l'intrigue, qui offre une place prépondérante à la peinture d'un milieu – la bohème – au détriment d'un traitement minutieux de l'évolution des passions, par la tonalité de l'ouvrage, qui mêle le tragique au badin, et par une partition colorée qui fond de façon particulièrement novatrice le dessein individuel dans le destin collectif, en faisant se succéder la conversation la plus anodine et l'effusion lyrique la plus pathétique. Il faudra attendre quelques modifications dans la partition et la reprise de l'opéra en avril 1896 à Palerme pour que l'ouvrage gagne la ferveur du public, qui, depuis lors, n'a jamais faibli. L'opéra sera créé à Paris, en français, dans une traduction de Paul Ferrier, sous le titre de La Vie de bohème, au Théâtre lyrique de la place du Châtelet, le 13 juin 1898. Puccini a réutilisé dans sa partition de nombreux fragments d'ouvrages antérieurs, en particulier de son opéra inachevé La Lupa (« La Louve »), sur un livret de Giovanni Verga.
Argument
Puccini et ses librettistes annoncent un opéra non pas « en quatre actes » mais « en quatre tableaux », pour rappeler les « scènes » de Murger.
L'action se déroule à Paris, vers 1830.
Tableau I. L'opéra ne comporte pas de prélude ; celui-ci est remplacé par un très court motif qui deviendra la signature des quatre « bohèmes ». Dans une mansarde, par une nuit de Noël, le poète Rodolfo (ténor) et le peintre Marcello (baryton), deux joyeux bohèmes, n'ont que leur solide sens de l'humour et leur inébranlable bonne humeur pour lutter contre le froid et la faim. Marcello contemple le tableau qu'il est en train de réaliser, La Traversée de la mer Rouge (« Questo Mar Rosso mi ammollisce e assidera » : « Cette mer Rouge m'amollit et me transit »). Afin de se chauffer, Rodolfo est contraint de jeter au feu son dernier drame. Rodolfo et Marcello sont rejoints par leurs compagnons, le philosophe Colline (basse), puis le musicien Schaunard (baryton), qui, profitant d'une bonne fortune, a acheté bois et victuailles. Les quatre compères trinquent à l'heureuse circonstance, mais sont brutalement interrompus par l'irruption du propriétaire des lieux, Benoît (basse), qui réclame le paiement du loyer. En le faisant boire et évoquer sa jeunesse (« Timido in gioventù » : « Timide dans ma jeunesse »), ils réussissent à s'en débarrasser et décident de passer le réveillon au café Momus. Tous se mettent en route, sauf Rodolfo, qui doit achever un article et les rejoindra plus tard. Tandis qu'il peine à la tâche, on frappe timidement à la porte. Il ouvre : sa voisine, une délicate jeune fille, se tient sur le seuil de la porte. Elle lui demande du feu pour rallumer sa bougie qui s'est éteinte. Prise d'un malaise, elle laisse tomber sa clef. Rodolfo, qui est instantanément tombé amoureux, se garde bien de la lui rendre. Feignant de la chercher dans l'obscurité, il s'empare de la[...]
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Écrit par
- Timothée PICARD : ancien élève de l'École normale supérieure et de Sciences Po Paris, assistant à l'université Marc Bloch (Strasbourg), critique musical
Classification
Média