LA CAMPAGNE DES HALLES (F. Fromonot)
Architecte et critique, Françoise Fromonot – à qui l'on doit deux ouvrages de référence sur l'Opéra de Sydney et l'œuvre de l'architecte australien Glenn Murcutt – s'est engagée dans le débat concernant le réaménagement du quartier des Halles à Paris. Convaincue de la nette supériorité du projet présenté par l'architecte néerlandais Rem Koolhaas, elle a en plusieurs occasions exprimé sa préférence, puis sa déception après l'annonce, en décembre 2004, par le maire de Paris Bertrand Delanoë, du choix du projet de David Mangin.
Le « petit livre percutant » que lui demande alors d'écrire l'éditeur Éric Hazan (La Campagne des Halles: les nouveaux malheurs de Paris, La Fabrique éditions, Paris, 2005) s'inscrit dans une tradition pamphlétaire que les Halles, plus que tout autre site à Paris, ont eu le don de susciter. Reprenant l'argumentaire de ses précédents articles, l'auteur a toutefois considérablement étayé son propos, en menant une enquête auprès de nombreux acteurs du projet. Ce dernier, rappelle-t-elle, n'a jamais été réellement défini par la municipalité, et le maire de Paris n'a pas suffisamment mesuré son enjeu régional, avant de considérer, au plus fort de la discussion sur le choix du lauréat, que les Halles étaient devenues un sujet trop médiatisé par rapport à l'ambition principale de sa mandature : la candidature de Paris pour l’organisation des jeux Olympiques de 2012.
La délibération du Conseil de Paris, en décembre 2002, ne portait en effet que sur un programme d'adaptation et d'amélioration des Halles. Le diagnostic était clair, non les solutions. Et pour cause : l'opération de rénovation du quartier, dans les années 1970 et 1980, ne fut pas seulement l'une des plus importantes menées en France à l'époque, elle reposait encore sur un enchevêtrement de réseaux souterrains d'une complexité inouïe. Or, pour être réalisable, la transformation de ces cinq niveaux de sous-sol nécessite l'accord de tous ses gestionnaires et utilisateurs, et notamment celui d'Espace Expansion, filiale du groupe Unibail, qui gère les 60 000 mètres carrés d'un forum des Halles visité chaque année par plus de quarante millions de personnes. Voilà la principale pierre d'achoppement de l'entreprise, que l'auteur ne manque pas de signaler : le projet de Koolhaas, en l'occurrence, constituait un danger pour la stabilité commerciale du site.
À lire Françoise Fromonot, la « campagne des Halles », qui vit naître et rivaliser les projets en 2003 et 2004, révèle d'autres faiblesses. La procédure employée, tout d'abord : de plus en plus prisés, les « marchés d'études de définition » permettent à la personne publique de différer un certain nombre de décisions liées au programme. Une manière de laisser les choses ouvertes que l'auteur, jamais avare de formules incisives, analyse différemment : « Autrement dit, on allait passer des contrats à des concepteurs pour leur faire déterminer, avant de le résoudre, le problème qu'on ne savait pas poser. » Elle compare également le très faible nombre de participants à la consultation de 2003 (32) à ceux des grands concours parisiens (471 réponses pour le parc de la Villette en 1982, 756 pour l'Opéra-Bastille en 1983). Paris n'attire plus les architectes, et le terme « casting » ne paraît guère excessif pour qualifier la manière dont la SEM Paris-Centre (société d'économie mixte) a contacté les architectes et formé des équipes : l'association de David Mangin avec l'architecte suisse Aurelio Galfetti (qui ne participera pas à la deuxième phase) fait partie de ces montages.
Françoise Fromonot analyse longuement les quatre propositions retenues non par un jury, mais par une[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Simon TEXIER : professeur, université de Picardie Jules-Verne
Classification