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LA CAPITALE (R. Menasse) Fiche de lecture

Robert Menasse, né à Vienne en 1954 d’un père juif et d’une mère catholique, s’est taillé une réputation d’auteur engagé en raison de ses nombreux essais où il dénonce l’austrofascisme latent de son pays, la résurgence de l’antisémitisme et la supercherie démagogique des identités nationales. Bien que relativement réduite, son œuvre romanesque débute par une trilogie (SinnlicheGewißheit[non traduit. Litt. : « La certitude sensuelle »],1988 ; SeligeZeiten, brüchigeWelt, 1991(La Pitoyable Histoire de Leo Singer, 2000); Schubumkehr, 1995(Machine arrière, 2003) qui attire l’attention par son ambition. Elle met en scène la relation complexe qui existe entre de nouvelles formes de narration, qui prennent acte de la fin du « roman total », capable d’exprimer dans sa totalité la cohérence du monde, et un nouveau réalisme qui ne peut se réduire à un simple divertissement. Loin de s’épuiser dans la recherche du « comment », le récit se doit d’être riche d’un contenu qui rende compte de l’émiettement du monde paradoxalement imposé par la globalisation. La Capitale (Die Hauptstadt, 2017 ; trad. fr. O. Mannoni, Verdier, 2019), son cinquième roman, se fait l’écho de ces préoccupations sur un ton jubilatoire. Cet ouvrage vif aux multiples facettes mêle fiction et réalité, critique politique et chronique sociale, roman d’espionnage et enquête policière.

Une chronique bruxelloise

« Là, un cochon qui court ! » Dès la première phrase du prologue, le ton est donné. Un porc en liberté sème la panique dans les rues de Bruxelles. Les caméras de surveillance de toute la ville sont mises à contribution pour retrouver l’animal épris de liberté, tandis que « le ciel au-dessus de Bruxelles faisait son devoir : il pleuvait. » Cette atmosphère farfelue va servir de toile de fond à un récit qui oscille entre gravité et drôlerie. Alors que le quartier est en pleine effervescence, un homme est retrouvé assassiné dans un hôtel tout proche. L’enquête va révéler que cet assassinat n’est pas sans rapport avec la politique opaque de l’Europe et ses services secrets en relation avec la police internationale la mieux informée qui soit, celle du Vatican. C’est dans cette ambiance à haut risque, entre farce et complot islamiste, que les institutions européennes décident d’organiser une grande manifestation pour célébrer l’anniversaire de la création de la Commission. Le département de la Culture se voit en toute logique attribuer la mission de mettre sur pied le Big Jubilee Project. Mais il s’agit d’une machiavélique perfidie : ce département dirigé par la Grèce, parent pauvre de la communauté, n’a aucun moyen financier qui lui permette de mener à bien un projet qui est donc voué à l’échec : « Ce n’était pas une mission, c’était une punition. » Pourtant, l’ambitieuse Fenia Xenopoulou, la chef de ce service, ne désespère pas. Il en va pour elle d’être promue rapidement à un poste plus intéressant. Elle charge le fidèle et dépressif Autrichien Martin Susman de trouver une idée originale. Prenant son travail à cœur, celui-ci propose de réunir les derniers survivants d’Auschwitz. Le slogan « Plus jamais ça ! » n’est-il pas à la racine de l’idée d’une union européenne démocratique, rempart contre le fascisme, le nationalisme et le racisme ?

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