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LA CAPITALE (R. Menasse) Fiche de lecture

L’Europe dans tous les sens

Sur cette triple trame de projet européen, d’enquête criminelle et de retour sur Auschwitz (qu’un eurodéputé proposera même d’élever au rang de capitale de l’Europe), Menasse tisse des fils et prend un malin plaisir à faire des nœuds : le comportement des Britanniques qui, Brexit oblige, profitent de chaque occasion pour faire obstruction ; l’attitude des Allemands qui concluent en douce un traité séparé avec la Chine pour écouler leur viande de porc ; le jeu de chaises musicales entre fonctionnaires européens esseulés, plus ambitieux que compétents. À cela vient s’ajouter la canicule qui soudain s’abat sur la capitale européenne. Sans compter que Menasse ne se prive pas de lancer des piques qui n’ont rien de virtuel : « Après Jacques Delors, il n’y a plus eu de président ! Il n’y a eu que des marionnettes ! » Et il jubile visiblement en donnant à ses chapitres des titres en forme de truismes : « Il n’est pas obligatoire qu’il existe des liens réels entre les choses, mais sans eux tout se désagrégerait » ; « Quand quelque chose se décompose, il y a forcément eu composition ». Comme autant de clins d’œil à certaines directives européennes qui excellent dans l’absurde pontifiant.

Menasse connaît son affaire. Il a passé six ans à Bruxelles avant de se lancer dans la rédaction de ce roman qui a obtenu en 2017 le prestigieux prix du livre allemand (Deutscher Buchpreis). Si le livre, qui manque parfois de rythme tant il veut embrasser de sujets et accumule les rebondissements, est une charge savoureuse contre les zizanies qui empoisonnent la politique européenne, il est aussi un plaidoyer en faveur d’une Europe plus unitaire, celle rêvée par Jean Monnet et Walter Hallstein, un appel aussi à l’indulgence et à la persévérance, car tous les fonctionnaires ne sont pas des pantouflards incapables. Certains d’entre eux se montrent même touchants d’idéalisme et œuvrent avec conviction pour l’avenir de cette Union certes encore boiteuse, mais qui seule, aux yeux de l’auteur, peut garantir notre avenir. La dernière phrase du roman est d’ailleurs aussi lapidaire qu’ambitieuse – et incertaine : « À suivre ».

— Pierre DESHUSSES

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