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LA CHALOTAIS LOUIS RENÉ DE CARADEUC DE (1701-1785)

Né à Rennes d'une famille de petite noblesse bretonne, La Chalotais, procureur général au parlement de Rennes, nous présente le portrait achevé d'un magistrat du xviiie siècle. Il va, en effet, consacrer le meilleur de ses forces à défendre les privilèges de son ordre au nom de l'intérêt général, le particularisme de sa province, alors qu'il est fervent adepte de la philosophie des Lumières. Ces contradictions s'alliaient chez lui à un caractère emporté et vindicatif, de plus, il se piquait de littérature ; Voltaire, qui ne l'aimait guère, prétendait qu'il écrivait avec un cure-dent trempé dans du vinaigre.

Le nom de La Chalotais est resté lié à deux affaires célèbres : celle des Jésuites et celle de Bretagne. Dans l'affaire des Jésuites (1761), La Chalotais prend parti violemment contre la Compagnie au nom de la loi naturelle violée, prétend-il, par leurs statuts ; en particulier, ils n'ont jamais abandonné la doctrine du régicide. Contre eux, il publie la même année son Compte rendu des constitutions des Jésuites. L'expulsion de l'ordre provoque la remise en cause de leur enseignement ; le procureur général écrit un Essai d'éducation nationale dans lequel il nie la valeur pédagogique de l'enseignement du latin, proposant de le remplacer par des langues vivantes.

Dans l'affaire de Bretagne, c'est La Chalotais qui anime la cabale contre d'Aiguillon, commandant de Bretagne au nom du roi ; c'est lui qui envoie les fameuses lettres anonymes qui vont lui valoir son incarcération dans une forteresse de Saint-Malo ; c'est lui qui, dès le début de l'affaire (1764), anime la fronde parlementaire et la sédition de la province ; c'est lui encore qui, de sa prison, écrit mémoires sur pamphlets pour envenimer le conflit. Son procès ne peut s'ouvrir puisque aucun parlement de France ne veut le juger, au nom de la solidarité qui unit ces cours en un seul corps. Le roi en personne se rend au parlement de Paris pour stigmatiser l'attitude des magistrats : « La magistrature ne forme pas un corps, ni un ordre séparé des trois ordres du royaume. C'est en ma personne seule que réside l'autorité souveraine ; c'est de moi seul que mes cours tiennent leur justice et leur autorité... » C'est la séance de la flagellation, bientôt suivie, sur le conseil de Choiseul, d'un essai de conciliation ; le roi éteint les poursuites contre La Chalotais qui est libéré et va faire ouvrir par le parlement de Rennes un nouveau procès : celui du duc d'Aiguillon dont il veut tirer vengeance. Ce procès, lui non plus, ne verra pas le jour. Exilé, La Chalotais ne retrouvera sa charge qu'en 1774 avec le retour triomphal des parlements.

— Solange MARIN

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