Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

LA CHARTREUSE DE PARME, Stendhal Fiche de lecture

Au bonheur du roman

Dans l'Avertissement, Stendhal présente son récit comme la transcription fidèle d'un manuscrit qui lui aurait été confié. Plus qu'un geste de prudence politique, il faut voir là un pur artifice romanesque. « Romanesque », c'est bien le mot qui, au risque de la tautologie, définit peut-être le mieux La Chartreuse de Parme, le roman par excellence. Et les conditions particulières de sa rédaction n'y sont probablement pas pour rien : rapidité, spontanéité, facilité, liberté caractérisent en effet et la conduite du récit, et le style lui-même, illustrant à merveille la souplesse infinie du genre. Par sa dynamique permanente, ses constantes ruptures de rythme, jusqu'à l'accélération finale tant critiquée, La Chartreuse, qui a souvent été qualifié de roman du bonheur, manifeste surtout un évident bonheur du roman. Fabrice – « notre héros » comme se plaît à l'appeler le narrateur avec une tendre ironie –, lui-même animé d'une débordante énergie, à l'image de son modèle Bonaparte, contribue naturellement à cette séduction. Mais le plaisir tient principalement à l'art, typiquement stendhalien, d'établir entre le lecteur et le personnage une relation complexe – parfois contradictoire –, faite d'identification et de distance, de complicité et de dérision, par une subtile alternance entre le « réalisme subjectif » du point de vue interne et le jugement du narrateur, voire de l'auteur lui-même, comme on peut le voir, par exemple, dans le fameux morceau de bravoure de la bataille de Waterloo : « Nous avouerons que notre héros était fort peu héros en ce moment. Toutefois, la peur ne venait chez lui qu'en seconde ligne ; il était surtout scandalisé de ce bruit qui lui faisait mal aux oreilles. » À tout cela, sans oublier l'évocation idéalisée d'une Italie intemporelle comme un décor d'opéra, tient le charme du livre, comme suggéré, d'ailleurs, dans son titre même, qu'on peut lire ainsi : Char(treuse) (de) (Par)me.

— Guy BELZANE

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Média

Stendhal - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Stendhal

Autres références

  • CRÉATION LITTÉRAIRE

    • Écrit par
    • 11 578 mots
    • 3 médias
    ...privilégie, pour exalter tel ou tel sens de l'œuvre, soit un « portant épique », soit un « portant mystique » du décor : portants qui vont situer, dansLa Chartreuse de Parme, une Italie imaginaire, mais qui n'en viennent pas moins soit des souvenirs d'enfance de Beyle lors de ses séjours bénis près des...
  • ROMAN, notion de

    • Écrit par
    • 1 940 mots
    • 4 médias
    ...ramenée au récit » (L'Homme précaire et la littérature 1977). Mais le style romanesque, dans sa diversité, se laisse difficilement cerner. De Stendhal qui, à la recherche d'un « ton » naturel, lorsqu'il écrivait La Chartreuse de Parme (1839), lisait chaque matin quelques pages...
  • STENDHAL (1783-1842)

    • Écrit par
    • 4 989 mots
    • 1 média
    ...touriste (1838), en partie avec ses souvenirs, mais aussi à partir de vrais voyages qui le conduisent dans toute la France, en Allemagne, en Hollande. Vient enfin le moment miraculeux (fin du mois d'août, puis novembre 1838), où il conçoit La Chartreuse de Parme, écrit la première moitié de ...