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LA CIVILISATION DE LA RENAISSANCE EN ITALIE, Jacob Burckhardt Fiche de lecture

L'Ospedale degli Innocenti, Florence - crédits :  Bridgeman Images

L'Ospedale degli Innocenti, Florence

Ouvrage déconcertant et cependant texte fondateur, le monumental « essai » de Jacob Burckhardt (1818-1897), fils de pasteur, ayant fait ses études de théologie, puis d'histoire et d'histoire de l'art à Bâle et à Berlin, est son livre le mieux connu, ou le moins méconnu, surtout en France, même si la bibliographie des études consacrées à son œuvre comptait déjà 322 titres en 1948. Il fut traduit dès 1885 par Louis Schmitt et c'est cette traduction, revue par Robert Klein, qui sert de base à l'édition présentée ici, accompagnée d'une Préface du même auteur et de 300 illustrations d'œuvres d'art choisies par lui. Judicieuses et témoignant de sa grande érudition, leur rapport au texte n'en reste pas moins très problématique, puisque cet ouvrage ne parle pas de l'art en Italie et ne cite les artistes que s'ils ont laissé des témoignages écrits, au même titre que leurs contemporains de toutes compétences. C'est sur les auteurs en effet que Burckhardt assied sa vision de l'Italie « renaissante », une approche ample qui embrasse les xive, xve et xvie siècles, de Dante au Tasse, et remonte souvent plus loin dans les siècles. Pour Burckhardt, l'histoire de l'art est l'aspect « le plus noble » de l'histoire de la culture ; face à cet héritage parfois « merveilleux » que constitue l'art, « il est rare, dit-il, le don parfait et équilibré qui assure une compréhension profonde et plurielle », alliant érudition et « communion ». Par l'audace des vues synthétiques qu'il propose sur des domaines alors non défrichés, vues marquées par ses affinités et ses répugnances, cet ouvrage, dont son auteur proclamait lui-même le caractère risqué, nous « raccourcit le chemin », comme ses cours universitaires le faisaient pour ses étudiants.

« Cicerone » et professeur d'université

C'est à la suite de quatre longs séjours en Italie que Burckhardt, après s'être longtemps intéressé à la peinture flamande et hollandaise et au gothique allemand, publie en 1855 Le Cicerone, guide de l'art antique et de l'art moderne en Italie. Titulaire d'une chaire d'histoire à l'université de Bâle en 1858, à laquelle s'ajoutera pendant les vingt dernières années de sa carrière celle d'histoire de l'art, il a constamment associé des voyages dans toute l'Europe à la découverte d'œuvres innombrables, des lectures dont la variété est tout aussi impressionnante et la mise en forme pédagogique de ses observations et connaissances. Refusant, parce qu'elle empêche de saisir les relations entre les phénomènes, la spécialisation, tant chronologique (il a publié aussi sur l'Antiquité et sur le Moyen Âge) que géographique ou encore disciplinaire, il s'est forgé la culture adéquate pour parler de l'histoire de la religion catholique, de la philosophie, de la politique, de l'éthique, de la langue et de la littérature. Sa méthode, dans la Civilisation de la Renaissance, consiste à s'appuyer sur un ensemble nourri de témoignages contemporains, avec une affection marquée pour les grands auteurs toscans du xive et du xve siècle, de Pétrarque à Pic de la Mirandole, de Filippo Villani à Machiavel, et pour les personnalités historiques qui ont été aussi des écrivains comme Enea Silvio Piccolomini, devenu pape Pie II, Laurent le Magnifique, chef du clan des Médicis, ou le patriarche vénitien Luigi Cornaro. Ses exposés sur la famille et sur le plaisir de la villégiature sont fondés sur Leon Battista Alberti, celui sur la beauté féminine sur Angelo Firenzuola, celui sur l'art de plaire et sur le courtisan, sur Baldassare Castiglione. Mais les liens tissés entre ces discours relèvent d'une pensée au « cours étrangement sinueux et brisé », « quand la question devient épineuse[...]

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Écrit par

  • : ancienne élève de l'École normale supérieure de Sèvres, maître de conférences en histoire de l'art des Temps modernes à l'université de Provence

Classification

Média

L'Ospedale degli Innocenti, Florence - crédits :  Bridgeman Images

L'Ospedale degli Innocenti, Florence

Autres références

  • BURCKHARDT JACOB (1818-1897)

    • Écrit par
    • 1 605 mots
    La Civilisation de la Renaissance en Italie, publiée en 1860, constitue la meilleure illustration de ce qu'il entendait par histoire de la culture. Il ne s'agit pas d'une narration chronologique, mais du tableau d'une civilisation située dans l'espace et le temps, considérée comme une unité dont les...