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LA COMÉDIE, Dante Alighieri Fiche de lecture

Dante Alighieri et les mondes de la Comédie, D. di Michelino - crédits : G. Nimatallah/ De Agostini/ Getty Images

Dante Alighieri et les mondes de la Comédie, D. di Michelino

La Comédie, ainsi nommée pour la distinguer des grands poèmes tragiques de l'Antiquité, dont le modèle était alors l'Énéide, est bien le chef-d'œuvre que Dante Alighieri (1265-1321) annonçait dans la dernière phrase de son œuvre de jeunesse, la Vita nova : une « admirable vision ». Cette vision, il allait falloir la mettre en mots plus tard, lorsque le poète en serait capable et digne, afin de « dire d'elle [Béatrice] ce qui jamais ne fut dit d'aucune ». Le jeune Alighieri allait dès lors se préparer à cette tâche, écrivant et étudiant dans les domaines les plus divers, consolidant sa connaissance des classiques (poètes et philosophes latins essentiellement), mais aussi de ses aînés et contemporains de la France du Nord, de Provence ou d'Italie, sans craindre les questions scientifiques, l'expérimentation formelle et l'invention langagière, à la mesure de sa soif de nouveauté et de cohérence, formée aux lectures approfondies des Évangiles et des Pères de l'Église ; et d'un très vif sentiment religieux.

De fait, le résultat allait dépasser les limites de toute littérature nationale et sans doute des genres auxquels le poète continuait de se référer. Dante était conscient pourtant de la formidable « invention » que représentait un « poème sacré » mis en scène, à la date fictive de 1300, comme voyage « vrai » dans l'au-delà, d'abord sous l'intercession de Virgile, puis sous celle de Béatrice. C'était donner à l'œuvre une dimension de révélation, loin de l'idéal courtois dont Béatrice semblait d'abord une nouvelle illustration. Un amour totalement transcendé, sans avoir perdu pour autant l'ancrage précis qui fait encore « frissonner le sang » de Dante après des années, permet cette fois d'identifier la Dame à la Charité et, indirectement, au Christ même.

Une somme poétique

L'une des caractéristiques de cette œuvre inclassable est aussi d'avoir été la dernière synthèse universelle possible d'un Moyen Âge extrême et atypique, mais grosse déjà des ouvertures de l'humanisme tout proche. Bien qu'écrite en langue vulgaire « illustre » (le florentin de son époque), fixée et réinventée par et pour la création de Dante, une pareille somme sera très vite qualifiée de « divine » par Boccace dans la biographie de son aîné.

Ainsi que l'a montré la critique allemande (E. R. Curtius, E. Auerbach, L. Spitzer), culture et pensée antiques, directement assimilées ou passées par le filtre arabe et la transmission populaire, s'y conjuguent avec l'apport révolutionnaire du christianisme pour mettre en scène des milieux et des personnages variés, socialement étrangers les uns aux autres, mêlant le haut et le bas, l'illustre et le vulgaire, le meilleur et le pire, le dramatique et le dérisoire, en une vaste « comédie » où – littéralement – se manifeste et s'incarne à chaque fois non seulement une « moralité » mais une personne, divine et vivante. Parmi tous ces portraits, citons notamment ceux de Francesca da Rimini (Enfer, V), d'Ulysse (Enfer, XXVI), de Guido da Montefeltro (Enfer, XXVIII), du comte Ugolino (Enfer, XXXII), et celui de Manfred dans le Purgatoire (III) ou de Charles Martel dans le Paradis (VIII).

Autre présence de la culture antique : dans le voyage qui va le conduire de l'Enfer à la vision finale du Paradis, après avoir traversé le Purgatoire, Dante va être guidé (au mois jusqu'au chant XXVII du Purgatoire) par Virgile, « sage gentil » et « bon maître », à la fois autorité et personnage, comme si l'accomplissement poétique ne pouvait advenir que dans la circulation et la reprise d'une parole antérieure. Mais cela ne peut se suffire : l'œuvre n'est pas autosignifiante. L'auteur – un Dante plus[...]

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