Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

LA CONFESSION D'UN ENFANT DU SIÈCLE, Alfred de Musset Fiche de lecture

« Sur un monde en ruine une jeunesse soucieuse »

Livre protéiforme, La Confession d'un enfant du siècle présente plusieurs centres d'intérêt. Biographique d'abord : on s'accorde à voir dans cette transposition romanesque de l'idylle avec George Sand, rédigée dans l'urgence juste après leur séparation, une manière de plaidoyer en faveur de la romancière. Du point de vue de l'histoire littéraire, on peut d'autre part considérer la partie centrale de La Confession comme un exemple – et ils ne sont pas si nombreux – de « roman romantique » : on y voit en particulier à l'œuvre cette dialectique de la proximité et de la distance, du lyrisme et du cynisme, de l'aveuglement et de la lucidité, de la passion et de l'analyse que l'on retrouve, mutatis mutandis, chez Sainte-Beuve (Volupté, 1834), Fromentin (Dominique, 1862), voire Stendhal.

Mais l'enjeu principal du livre réside dans l'entrelacement de l'histoire – romanesque – d'Octave et Brigitte, de celle – autobiographique – de Musset et George Sand, et du tableau sociologique, dressé dans le deuxième chapitre, qui montre une génération en proie à la « désespérance » : orpheline des grands idéaux (la Révolution, l'épopée napoléonienne) qui avaient animé ses pères, égarée dans un monde qui ne lui offre que des jouissances matérielles, inquiète d'un futur qui tarde à se dessiner, influencée enfin par des poètes – Goethe, Byron – qui lui ont instillé le poison de la mélancolie, la jeunesse de la Restauration recherche dans la débauche et le nihilisme une échappatoire à l'ennui : « Ainsi, les jeunes gens trouvaient un emploi de la force inactive dans l'affectation du désespoir. Se railler de la gloire, de la religion, de l'amour, de tout au monde, est une grande consolation pour ceux qui ne savent que faire ; ils se moquent par là d'eux-mêmes et se donnent raison tout en se faisant la leçon. Et puis, il est doux de se croire malheureux, lorsqu'on n'est que vide et ennuyé. »

Ainsi, par une série de glissements insensibles, La Confession déplace à la fois la nature et la cause du mal (l'échec amoureux, une disposition psychologique personnelle, le contexte politique, social et culturel) et sa victime même (Octave, l'écrivain Musset, la génération romantique). À ce décalage permanent (on a quelque peine à superposer l'origine occasionnelle de la souffrance – la trahison d'une femme – et sa cause structurelle – la société), qui constitue le sujet même du livre, en tout cas son aspect le plus attachant, répond un système d'énonciation multiple, qui voit se succéder trois locuteurs : Musset, Octave et, dans le dernier chapitre brutalement distancié, un narrateur omniscient. Une hétérogénéité dont témoigne un style étrangement composite, où l'emphase côtoie en permanence l'ironie, et le pathos lyrique, pour ne pas dire franchement déclamatoire, le ton froid et distant de l'autoanalyse.

— Guy BELZANE

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Média

Alfred de Musset - crédits : DeAgostini/ Getty Images

Alfred de Musset

Autres références

  • MUSSET ALFRED DE (1810-1857)

    • Écrit par
    • 2 441 mots
    • 3 médias
    Jamais Musset n'a poussé plus loin son introspection que dans La Confession d'un enfant du siècle (1836), ce roman célèbre et peu lu. C'est l'analyse lucide d'une maladie morale, dont l'auteur a noté sur lui-même les moindres symptômes, mais dont il attribue l'origine...