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LA CONFESSION IMPUDIQUE, Tanizaki Jun.ichirō Fiche de lecture

Un texte labyrinthique

Il est certain qu'aujourd'hui, près d'un demi-siècle après sa parution, le roman paraît moins sulfureux. La sexualité est devenue un thème littéraire presque banal, le lecteur est plus tolérant quand il n'est pas franchement blasé. Le roman aurait donc vieilli s'il ne valait que par son sujet : or il continue à être d'une saisissante modernité qui tient à sa facture.

La Confession impudique a en effet la particularité d'être un roman où s'entrecroisent deux journaux intimes, celui de l'homme et celui de son épouse, alternativement offerts à la lecture. Les deux protagonistes utilisent chacun leur journal comme moyen de communication, pour transmettre des messages au partenaire d'une lutte sexuelle acharnée – ce qui n'est possible que si chacun lit le journal de l'autre, malgré sa confidentialité de principe... Les règles du jeu sont donc les suivantes : communiquer par journal interposé, mais en ayant soin de prétendre ne pas avoir lu le journal de l'autre. Chacun use de son journal pour ruser, pour manipuler son partenaire, prenant à contre-pied la vérité attachée en principe à un journal intime : la signification réelle de chacun des énoncés diffère de sa signification apparente, il n'est destiné qu'à leurrer l'autre et l'inciter à agir dans le sens voulu.

Or, en même temps, chaque journal est aussi vrai qu'il est faux. À tout moment du texte, le lecteur est en effet confronté à plusieurs versions des faits. Après l'attaque dont est victime le mari, la lutte semble certes cesser, faute de combattant : mais le lecteur est de nouveau saisi d'incertitude, la femme faisant alors état dans son journal de la suspicion éprouvée à l'égard de sa fille, qui montrerait au malade paralysé le journal de sa femme afin de précipiter sa mort... Aucun des protagonistes, aussi manipulateurs que manipulés, ne sait donc jamais à quoi s'en tenir vraiment – pas plus que le lecteur, pris dans la spirale du mensonge et de la simulation.

Œuvre de vieillesse, La Confession impudique témoigne ainsi d'une éclatante créativité et de l'incontestable savoir-faire d'un romancier qui a toujours placé l'histoire au cœur de son univers romanesque. On retrouve certes ici les thèmes de prédilection de l'auteur (le fétichisme, le sadomasochisme, la femme fatale), mais organisés de manière originale. Parvenu au terme du récit, aucune certitude ne se dégage donc pour le lecteur, qui reste prisonnier d'une construction vertigineuse où nul ne détient de vérité, d'un texte dont le secret est conçu pour lui échapper.

— Anne BAYARD-SAKAI

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Écrit par

  • : professeur à l'Institut national des langues et civilisations orientales

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