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LA CRISE DE LA CULTURE, Hannah Arendt Fiche de lecture

Hannah Arendt - crédits : AKG-Images

Hannah Arendt

La Crise de la culture est un essai de Hannah Arendt (1906-1975) publié en 1961 aux États-Unis sous le titre original Between Past and Future.Six Exercices in Political Thougt. Il réunit dans la première édition six articles, publiés entre 1954 et 1960. En 1968 a paru une seconde édition, augmentée de deux articles et complétée d'une préface. Le livre a été traduit en français en 1972.

Née dans une famille juive de Hanovre, Hannah Arendt, contrainte de fuir l'Allemagne nazie, se réfugie d'abord en France puis aux États-Unis, où elle s'installe dès 1941 et demeurera jusqu'à sa mort. À partir des années 1950, elle entame une réflexion politique à laquelle ses débuts philosophiques (une thèse sur le concept d'amour chez saint Augustin) ne semblaient pas la destiner, mais rendue nécessaire à ses yeux par l'expérience fondatrice du totalitarisme. En 1951, année où Hannah Arendt prend la nationalité américaine, la publication des Origines du totalitarisme la rend célèbre. Dans ses cours à l'université (Princeton, Columbia, Berkeley…) comme dans son livre Condition de l'homme moderne (1958), elle porte le regard d'une philosophe rescapée de la barbarie nazie surgie au cœur même de l'une des plus hautes cultures européennes sur la société démocratique et libérale américaine, productrice d'une consommation culturelle de masse qui annonce peut-être une nouvelle forme de totalitarisme.

La modernité en question

La préface s'ouvre sur une citation de René Char ‒ « Notre héritage n'est précédé d'aucun testament » ‒ qui éclaire son titre (« The gap between past and future ») et celui de tout le recueil comme, un peu plus loin, la célèbre formule de Tocqueville, « Le passé n'éclairant plus l'avenir, l'esprit marche dans les ténèbres. » Le monde sur lequel Arendt va exercer sa pensée politique est donc celui d'héritiers sans testament parce qu'un fil a été rompu, celui de la tradition. C'est dans cette « brèche » que se débat l'homme moderne.

« La tradition et l'âge moderne » (1954) et « Le concept d'histoire » (1958) décrivent et analysent cette rupture, opérée notamment par la modernité philosophique. Avec Hegel, Marx, Kierkegaard, Nietzsche, se sont imposées des philosophies de l'histoire. Désormais, celle-ci n’est plus pensée, à la manière des Grecs, comme la recension objective des événements passés, mais comme un processus causal, affecté de surcroît d'une subjectivité qui lui assigne un sens et une finalité.

Les deux articles « Qu'est-ce que l'autorité ? » (1959) et « La crise de l'éducation » (1957), posent le problème de la transmission dans un monde sans ligne de force ni repères. Selon Arendt, l'autorité ne repose ni sur le pouvoir ni sur la persuasion, mais sur la référence à une transcendance fondant un ordre accepté de tous. L'effondrement de cette autorité sous la poussée égalitaire a des conséquences concrètes : les théories en vogue aux États-Unis, qui affirment la primauté de l'art d'enseigner sur la maîtrise de connaissances, et la nécessité de laisser à l'enfant la liberté de se former lui-même empêchent toute véritable éducation. Sans guide, séparé du monde des adultes, livré à lui-même ou à la tyrannie du groupe, l'enfant n'a d'autre alternative que le conformisme ou la délinquance.

Ce constat amène l'auteure à réfléchir à la notion de liberté (« Qu'est-ce que la liberté ? », 1960). Prenant une fois de plus le contrepied d'une certaine tradition philosophique qui a fait de la liberté un concept métaphysique, Arendt y voit avant tout une expérience, une action. La liberté ne signifie pas ici l'affranchissement des contraintes par la capacité à se dominer, théorie[...]

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