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LA DESCENDANCE DE L'HOMME ET LA SÉLECTION SEXUELLE, Charles Darwin

Réception des idées de Darwin

Charles Darwin caricaturé par André Gill - crédits : Gallica.fr/ BnF ; cote : 4-LC13-289

Charles Darwin caricaturé par André Gill

Le livre, qui connaîtra une seconde édition en 1874, a suscité de nombreuses critiques et a joué un rôle essentiel dans la formation du darwinisme populaire. Une des thèses les plus critiquées du livre, dira Darwin, consiste en l’affirmation que les humains ont perdu ou gagné des poils du fait de la sélection sexuelle.

Au xxe siècle, l’ouvrage a été épinglé pour plusieurs formulations racistes ou sexistes. D’une part, en voulant rapprocher les humains des singes, Darwin met l’humanité au pluriel : il identifie certains peuples comme des nations barbares, dont l’existence lui paraît proche d’une vie bestiale, allant même jusqu'à déclarer qu’il vaut mieux être les descendants de certains singes que de certains humains. Il cite souvent l’horreur ressentie devant les habitants de la Terre de Feu, qu’il a connus lors de son voyage autour du monde. D’autre part, Darwin ne cesse d’affirmer que le mâle est l’élément dynamique de l’espèce, et que la femelle est l’élément nutritif et accumulatif, et qu’elle est, notamment dans notre espèce, dotée de moins de génie.

Enfin, on s’est interrogé sur les rapports entre L’Origine des espèces et La Descendance. S’agit-il d’un prolongement ou d’un approfondissement de la doctrine, d’une nouvelle application ou du développement d’un principe autonome ? Autrement dit, le second ouvrage cité renforce-t-il le premier, en explicite-t-il les thèses, ou bien en déplace-t-il le propos ? On a parfois soupçonné, particulièrement en France, que la parution deLa Descendance représentait, dans l’œuvre de Darwin, un glissement par rapport aux thèses soutenues dans L’Origine des espèces. Darwin serait passé d’une authentique recherche naturaliste à une dérive idéologique. Autrement dit, La Descendance soulignerait une rigidification du darwinisme quise marquerait notamment par le rôle joué par la sélection naturelle dans chacun des deux livres. Dans L’Origine des espèces, elle a le statut d’un « principe » chargé de résumer et de coordonner différents ensembles de faits comme la variation individuelle et la lutte pour l’existence. Dans La Descendance, elle devient une « loi rigide ».

Notons enfin que le titre même de l’ouvrage a donné lieu à un débat de traductions. Pendant longtemps, tout le monde a parlé de la « descendance de l’homme ». Mais, en 1999, une équipe de traducteurs coordonnée par Michel Prum a préféré donner le titre suivant : La Filiation de l’hommeet la sélection sexuelle. L’objection couramment portée contre la traduction du mot anglais descent par « descendance » tient au fait que ce terme français n’est plus perçu de la même manière qu’au xixe siècle, sa signification s’étant progressivement réduite au cours du temps pour ne désigner aujourd’hui que les générations ultérieures, et non plus l’ascendance. D’où l’utilisation du mot « filiation » pour mieux préciser la dimension généalogique. Il est bien évident que Darwin, en parlant de descent, a en tête les ancêtres, les aïeux et, pour tout dire, « l’origine de l’homme » qui est l’unique thème de son ouvrage de 1871.

— Thierry HOQUET

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Écrit par

  • : professeur des Universités, université Paris-Nanterre

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Charles Darwin caricaturé par André Gill - crédits : Gallica.fr/ BnF ; cote : 4-LC13-289

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Autres références

  • DARWIN CHARLES ROBERT (1809-1882)

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    • 3 134 mots
    • 2 médias
    ...Darwin publia de nombreux livres. Dans certains figurent des documents qui n'avaient pu trouver place dans L'Origine des espéces. D'autres, comme La Descendance de l'homme et L'Expression des émotions, virent leur publication retardée, par prudence, jusqu'en 1871 et 1872 : l'ascendance...