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LA DESTINATION DE L'HOMME, Johann Gottlieb Fichte Fiche de lecture

Johann Gottlieb Fichte - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

Johann Gottlieb Fichte

C'est humilié, poussé à quitter l'université de Iéna, à la suite de fâcheuses accusations d'athéisme, que J. G. Fichte (1762-1814), réfugié à Berlin, trouve le temps de rédiger, de juillet à novembre 1799, ce qu'il veut être un écrit « populaire » : La Destination de l'homme. Soit un ouvrage « non destiné aux philosophes de profession », mais « compréhensible par tous les lecteurs qui sont, d'une manière générale, capables de comprendre un livre », et qui peut constituer une excellente introduction à une pensée difficile.

Du doute à la croyance

«  Doute », « Savoir », « Croyance » (Zweifel, Wissen, Glauben), titres des trois livres composant l'ouvrage, marquent autant d'étapes progressives sur la voie de la libération du Moi. Le Moi qui s'exprime à la première personne n'est pas seulement celui de l'auteur, mais celui que nous sommes tous. En donnant à lire les crises successives qu'a dû traverser sa subjectivité, vivante et spéculante, c'est à notre histoire qu'il introduit, lui permettant de se ressaisir sur le chemin de ce qui seul lui importe : « Que suis-je, et quelle est ma destination ? » Tout débute par une indécision initiale entre le sentiment intime qu'a le Moi d'être libre et la conscience de son inscription dans la chaîne des êtres de la nature. Conflit existentiellement intenable, qui oppose deux systèmes : celui de la nécessité universelle et celui de la liberté. « Le système de la liberté contente mon cœur, le système opposé le tue et l'anéantit. » Le dialogue entre le Moi et l'Esprit dont se compose le deuxième livre (« Savoir ») va chercher à sortir de cette aporie : ce que le Moi voit dans la Nature n'est rien d'autre que lui-même. Ce qui apparaissait spontanément comme réalité extérieure aliénante n'est en fait que le résultat de l'activité théorique exercée par le Moi. Mais en supprimant un terme du conflit (le non-Moi extérieur), l'Esprit n'est parvenu qu'à plonger le Moi dans des abîmes encore plus profonds. La nécessité abolie, c'est le Moi lui-même qui, ne rencontrant plus que soi, se néantise ! Ainsi, le savoir m'a libéré du conflit entre liberté et nature en me précipitant dans celui du rêve et de la réalité. Reste, et ce sera l'objet du troisième livre (« Croyance »), à retrouver et le monde et l'intériorité de la vie. C'est la croyance, comme chez F. H. Jacobi, qui sera chargée de me révéler la réalité en moi et hors de moi. Mais cette croyance ne saurait se réduire, comme chez les romantiques (et Fichte ne cessera de porter le fer contre eux, malgré la propension de ces derniers, tel Novalis, à se réclamer de sa pensée) à la foi de l'enfance. Elle est exigence de la raison pratique. « La croyance n'est pas le savoir, mais une décision de la volonté de donner à ce savoir sa pleine valeur. » En sortant de lui-même à la rencontre des autres, le Moi redécouvre le monde comme étant ce sur quoi il a prise par ses décisions libres. Fichte dépasse la « vision morale du monde », auquel ses essais antérieurs (Le Système de l'éthique, en 1798, par exemple), semblaient le contraindre, pour tendre vers une philosophie de « l'actualité de l'infini » que réalisent les hommes par leurs actions et leur besoin irrépressible de justice.

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