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LA DRAPERIE AU MOYEN ÂGE (D. Cardon)

Le rôle joué par l'industrie lainière dans l'essor économique de l'Occident est largement reconnu. Ses origines médiévales ont été étudiées par d'éminents historiens de l'économie dans divers cadres régionaux. L'angle sous lequel Dominique Cardon aborde la question dans son ouvrage La Draperie au Moyen Âge. Essor d'une grande industrie européenne (C.N.R.S. Éditions, Paris, 1999) est tout autre. Sans ignorer les aspects sociaux et économiques du travail, c'est à l'évolution technique qu'elle s'attache. En reconstituant avec minutie la chaîne opératoire, depuis le mouton jusqu'au drap tombé du métier, elle a voulu retracer l'évolution des outillages et des manières de travailler ainsi que de la nature des draps.

Le cadre choisi est vaste, difficile à maîtriser tant les sources documentaires diffèrent d'une région à l'autre. Pratiquement dépourvue d'archives médiévales, l'Europe septentrionale et orientale a vu se développer très tôt l'archéologie, favorisée par la nature de ses sols gorgés d'eau, où les fibres animales sont conservées dans des conditions optimales. À l'exception de l'Angleterre, le reste de l'Europe n'a eu recours que récemment à ce type de recherche, mais déjà certains milieux anaérobies livrent des échantillons textiles analysables. Les archives du sol sont largement utilisées dans cet ouvrage ; pourtant, c'est à partir des sources écrites que l'auteur a commencé ses recherches : les textes réglementaires particulièrement détaillés conservés dans les régions du « croissant lainier » qui, du Toulousain et des rivages languedociens, s'étire le long de la côte ibérique jusqu'à Valence. Joignant à sa compétence d'historienne une connaissance pratique approfondie du travail des textiles, elle a pu dresser un tableau complet des opérations effectuées par les travailleurs de la laine sous le contrôle tatillon des autorités.

Plutôt que de publier sa thèse, fruit de cette recherche régionale, Dominique Cardon a préféré élargir son enquête à l'état actuel des connaissances acquises dans le domaine européen. Tirant parti de vastes lectures et de contacts noués à travers l'Europe avec des spécialistes de l'histoire des techniques, de la biologie, des archives, de l'archéologie et de l'iconographie, elle offre à ses lecteurs une synthèse solidement fondée et en livre généreusement les sources : citations dans les notes, documents archéologiques et iconographiques reproduits, en noir et en couleurs, planches de dessins d'outils ou de métiers qui permettent au non-spécialiste de suivre le raisonnement technique.

Partant de l'histoire du mouton – trop ignorée par les chercheurs qui l'ont précédée –, elle souligne la diversité des espèces élevées. Des moutons à laine jarreuse (poils grossiers) côtoient les produits sélectionnés par l'élevage anglais, aux toisons longues et moyennement fines quand, au sud-ouest, s'affirme la présence du mérinos à laine plus fine mais courte. Les opérations qui précèdent la transformation de la fibre en fil sont analysées, avec leurs outils et leurs gestes, mettant en évidence la logique technologique qui inspire le choix des laines et des traitements en vue d'un résultat final précis. Si les laines longues se prêtent au peignage qui aligne les fibres longues en éliminant les plus courtes, celles, très fines et courtes, du mérinos sont soumises à un procédé emprunté au traitement du coton, l'arçonnage, qui entremêle les fibres en une nappe mousseuse. L'adoption du cardage marque une véritable révolution : mieux adapté aux fibres courtes, il entraîne la généralisation de produits nouveaux.

Peu d'attention avait été prêtée jusqu'ici au rôle du filage dans[...]

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Écrit par

  • : docteur en histoire, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales

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