LA DUCHESSE D'AMALFI, John Webster Fiche de lecture
Jouée sans doute en 1613, mais publiée en 1623, La Duchesse d'Amalfi est une tragédie qui puise aux mêmes sources que ces méditations baroques sur la mort que furent les vanités. Elle est le chef-d'œuvre de John Webster (1580-1625), par ailleurs auteur d'une autre tragédie dans la même veine, Le Démon blanc (1611), mais aussi de comédies satiriques dans la tradition de la « comédie urbaine » (city comedy) pratiquée notamment par Jonson, Dekker, Marston, Tourneur ou Fletcher. Webster apporte à La Duchesse d'Amalfi le ton grinçant et la misogynie propres à de telles comédies. Mais d'une novella italienne publiée par Bandello qui retrace l'histoire d'Antonio Bologna à Milan au début du xvie siècle, il fait une somptueuse tragédie de la cruauté et de la déréliction dans une Italie de toutes les corruptions.
Un théâtre de la cruauté
La ligne dramatique, fondée davantage sur l'intensification des passions et sur le crescendo de l'horreur que sur une véritable complication d'ordre psychologique ou événementiel, est d'une grande simplicité. Son héroïne, la Duchesse d'Amalfi, jeune et jolie veuve, se voit d'entrée de jeu interdire le remariage par ses deux frères, Ferdinand et le Cardinal, libertins notoires. Ceux-ci veulent rester les seuls héritiers de ses richesses. Mais, dès la scène ii de l'acte I, elle épouse secrètement son intendant Antonio, dont elle est éprise. Espionnée par Bosola, âme damnée de Ferdinand, et personnage machiavélique de la pièce, elle est démasquée puis, dans une scène d'une grande intensité, finalement mise à mort (IV, ii), après que ses enfants ont été étranglés. Ému par le courage de la Duchesse dans ces derniers moments, Bosola tente d'épargner Antonio, mais le tue à la suite d'une méprise, tandis que Ferdinand sombre dans la folie en maudissant le serviteur qui a œuvré au sacrifice de sa sœur trop aimée. Négation de toute justice tragique, la dernière scène se solde par la mort de tous les protagonistes, tués par dépit par Bosola qui perd à son tour la vie dans la confusion. Il revient alors à un personnage secondaire de se faire le porte-parole désenchanté d'une métaphysique du néant : « Ces misérables grands seigneurs/ Ne laissent pas plus de gloire derrière eux qu'un passant/ Tombé dans la neige ne laisserait sa trace :/ Aux premiers rayons du soleil, son empreinte s'efface,/ Forme et matière ensemble. »
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Écrit par
- Line COTTEGNIES : agrégée d'anglais, ancienne élève de l'École normale supérieure de Fontenay-Saint-Cloud, maître de conférences à l'université de Paris-VIII-Saint-Denis
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