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LA FORÊT DE FONTAINEBLEAU : UN ATELIER GRANDEUR NATURE (exposition)

Le musée d'Orsay, en consacrant au printemps de 2007 une importante exposition à la forêt de Fontainebleau et l'art du xixe siècle, a apporté un élément important à l'histoire de la peinture de paysage. Non que l'on n'ait, depuis un siècle, compris l'importance du lieu dans le développement du genre, ne serait-ce que par le concept d'« école de Barbizon », certes postérieur et quelque peu réducteur, même s'il rend bien compte du phénomène. Mais on n'en avait peut-être pas mesuré toute l'ampleur chronologique et technique. C'est tout l'intérêt de la démarche de La Forêt de Fontainebleau : un atelier grandeur nature (musée d'Orsay, 6 mars-13 mai 2007) et de la synthèse tentée ici par sa commissaire, Chantal Georgel.

Si les années 1840-1870 étaient au cœur de l'exposition, celle-ci ne s'y résumait pas. C'est en effet une chronologie beaucoup plus large qui avait été à juste titre retenue, et qui allait de la fin du xviiie aux premières décennies du xxe siècle. Que ce soit pour Adam Frans Van der Meulen sous Louis XIV ou Jean-Baptiste Oudry sous Louis XV, la forêt existe d'abord, pour les peintres, au travers de la représentation des chasses royales. Elle va acquérir, autour de 1790, le statut d'un sujet autonome avec un peintre peu connu, Lazare Bruandet. Celui-ci est en effet le premier à venir y peindre « d'après nature », comme ses plus célèbres successeurs. Le mouvement se poursuit sous l'Empire et la Restauration, avec des peintres comme Jean-Joseph Xavier Bidauld, Antoine-Félix Boisselier, Xavier Leprince, Jacques Raymond Brascassat et surtout Camille Corot, en écho à ses séjours italiens : des paysagistes que l'on rattacherait plutôt au mouvement « classique » et traditionnel de la peinture de paysage, mais qui constituent plus qu'un prélude aux années de la monarchie de Juillet et du second Empire. Celles-ci voient l'apogée d'un motif devenu emblématique du paysage « naturel », dont les artistes dits bien plus tard « de Barbizon » sont les plus représentatifs, de Théodore Rousseau à Jean-François Millet, de Constant Troyon à Jules Dupré, de Narcisse Diaz de la Peña à Charles Jacques, qui se concentrent sur quelques sites privilégiés. Ils sont accompagnés, dès les débuts de la photographie, par plusieurs pionniers de la nouvelle technique, parmi lesquels Gustave Le Gray, Adalbert Cuvelier et Georges Balagny, qui voyaient là le moyen de développer le sujet de plein air, avec à l'évidence plus que des coïncidences dans le choix des motifs et de leur traitement. Un peu plus tard, dans les années 1860, vinrent dans le même esprit à Fontainebleau des élèves de l'atelier Gleyre et leurs amis, les futurs impressionnistes, Monet, Bazille, Renoir, Sisley, Cézanne, alors qu'au même moment s'y établissait, comme auparavant Rousseau, Rosa Bonheur. Si la fin du siècle voit moins d'artistes aujourd'hui célèbres faire de Fontainebleau un lieu d'activité privilégié, ce dernier n'est pas négligé pour autant, puisqu'on y retrouve Derain et Redon, et plus tard, dans les années 1920, Picasso, par l'évocation duquel se terminait l'exposition. Elle aurait tout aussi bien pu nous conduire jusqu'à l'époque contemporaine, avec le Cyclop de Tinguely, érigé sur place en 1969-1994 en collaboration avec Niki de Saint-Phalle.

L'aspect le plus passionnant de l'exposition ne résidait pourtant pas dans cette évocation, si complète et bien pensée fût-elle, mais dans une réflexion plus générale sur ce que représenta, pour tous ces artistes, la forêt en tant que sujet. D'abord, bien évidemment, un répertoire de motifs précis, essentiellement arbres et rochers repris ensuite dans des fragments de paysages auxquels s'ajoutent les sables et les marais.[...]

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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