LA GALAXIE GUTENBERG, Marshall McLuhan Fiche de lecture
Marshall McLuhan fait partie de ces auteurs dont le nom est durablement associé à un ouvrage. Entre La Fiancée mécanique (1951) et le best-seller mondial que fut Pour comprendre les médias (1964), La Galaxie Gutenberg (The Gutenberg Galaxy, trad. franç. 1967) est une étape importante dans son œuvre, le moment où il commence à développer la notion de « village global » ou « village planétaire ». Après avoir enseigné l'anglais au Canada, il fonde à Toronto un Center for Culture and Technology (1964) et obtiendra en 1966 une chaire de sciences humaines à l'université Fordham (New York). Au fil des rencontres, la diversification de ses centres d'intérêts le conduit à développer une théorie de l'histoire de l'évolution de l'humanité à travers les bouleversements culturels qu'engendre le déterminisme technologique des médias et, tout particulièrement, la découverte de l'imprimerie.
La « loi des trois états » du médium
À grands renforts de références littéraires, l'ouvrage s'organise selon une suite de 320 paragraphes qui, rapprochant époques et thèmes éloignés les uns des autres, ont chacun pour ambition d'éclairer un aspect d'une « mosaïque » historique d'événements simultanés, sans impératif linéaire ou chronologique.
Rendu ainsi difficilement résumable, l'ensemble est néanmoins sous-tendu par l'hypothèse selon laquelle l'apparition successive des médias, au sens général de technologies de diffusion et de transmission, engendre des modifications du dispositif sensoriel et intellectuel de l'homme, elles-mêmes à l'origine des changements complets que celui-ci opère dans son environnement. L'humanité serait ainsi passée par trois grands âges médiatiques, qui forment les articulations principales de l'ouvrage.
Le premier d'entre eux, l'âge tribal, se rapporte à la communication naturelle des civilisations archaïques qui, reposant essentiellement sur une culture de l'oralité, mobilisent prioritairement l'expérience du sens auditif. La découverte de la parole conduit l'homme à organiser et à traduire les opérations des autres facultés selon les schèmes propres à cette dernière.
L'adoption de l'alphabet phonétique marque une première rupture avec la fonction monopolistique que ce sens prend chez l'homo loquens, en invitant, par la transformation des sons en symboles, à une analyse qui privilégie l'espace et la surface. À ce facteur décisif, qui annonce déjà le primat du visuel, s'ajoutent une série d'éléments qui sont autant de jalons utiles à l'exploration de l'histoire que l'auteur entreprend ensuite, de l'Antiquité grecque à la fin du Moyen Âge. De cette fresque se dégagent nettement le développement d'un idéal de répétition et d'uniformité ainsi que la raison classificatoire et l'esprit de quantification qui animent progressivement les arts de la mémoire et le traitement des flux croissants d'informations.
Mais c'est surtout à la découverte de l'imprimerie que la civilisation doit son entrée dans un autre âge, celui de la « galaxie Gutenberg ». Cette découverte signe alors le passage du « monde magique de l'ouïe au monde indifférent de la vue ». Partant de l'exclusivité donnée à la vision, la mise en ligne industrielle de la pensée institue un ordre perceptif plus général. La séparation, la dichotomie et la segmentation en unités stéréotypées, homogènes et reproductibles forment ainsi les thèmes d'une partition que déclineront ensuite les variations autour des motifs fonctionnels, mécanistes et centralistes. La perspective en peinture, le nationalisme en politique, l'unité de ton en littérature ou encore les méthodes de calcul en pédagogie et la chaîne de montage dans l'industrie donnent une idée des multiples[...]
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Écrit par
- Éric LETONTURIER : docteur en sociologie, D.E.A. de philosophie, maître de conférences à l'université de Paris V-Sorbonne
Classification
Autres références
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MCLUHAN MARSHALL (1911-1980)
- Écrit par François VIEILLESCAZES
- 482 mots
Né à Edmonton (Alberta), le Canadien McLuhan fait des études d'ingénieur puis de littérature moderne à l'université de Manitoba. Lors d'un séjour à Trinity University (Cambridge, Massachusetts), où il lit James Joyce, Ezra Pound, T. S. Eliot, au début des années 1930, il se convertit au catholicisme....