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GAZETTE DU BON TON LA

1912 est une année décisive dans l'histoire de la presse de mode. De la rencontre des nostalgies des poètes fin-de-siècle et du graphisme des jeunes artistes cultivés naquirent alors Le Journal des dames et des modes dirigé par le secrétaire de D'Annunzio et par l'érudit Pierre de Nouvion, La Gazette du bon ton de Lucien Vogel et Modes et Manières d'aujourd'hui de Pierre Corrard et Jules Meynial ; trois publications tirées à moins de 2 000 exemplaires et s'adressant dès l'origine aux bibliophiles et aux mondains esthètes. Cette coquetterie qui leur fit choisir des titres de périodiques qui avaient existé au début du xixe siècle est la marque d'artistes qui donnent le ton dans les années 1910-1925. Nous les retrouvons aussi bien à Fémina qu'au Jardin des modes nouvelles. Citons ainsi Henri de Régnier, Jean-Louis Vaudoyer, Émile Henriot, Henri Bidou, Lise Léon Blum, Pierre de Trévières, Roger Boutet de Monvel et Henri Duvernois. Née quelques mois après Le Journal des dames et des modes, La Gazette du bon ton est l'œuvre de Lucien Vogel (1886-1954), fils d'un illustrateur de la maison Hachette, directeur artistique de Fémina. Il est parfaitement introduit dans le milieu de l'édition mondaine puisque sa femme Cosette est la fille de Maurice de Brunhoff, l'éditeur de Comoedia illustrée (voir : Shane Adler Davis, « Lucien Vogel », in Costume. The Journal of the Costume Society of Great Britain, Londres, 1978). À ses amis de l'École des beaux-arts, André Marty, les frères Brissaud et Boutet de Monvel, se joignent Barbier, Brunelleschi, Drian, Lepape et Dammicourt dit Dammy. La Gazette est éditée à Paris à la Librairie centrale des beaux-arts et en 1913 à Berlin chez Cassirer. Imprimées sur feuillets détachés avec les caractères tout nouveaux inventés par Georges Peignot, les « Cochins », les trente pages de texte de chaque livraison sont illustrées de vignettes en noir et en couleurs et de dix pochoirs placés en hors-texte. Chacune est un petit album de genre légendé souvent en forme d'interrogation au lecteur. Sept couturiers soutiennent la revue : Cheruit, Doeuillet, Doucet, Paquin, Poiret, Redfern et Worth. La publicité n'en est pas absente puisque les annonces pour des parfums ou autres objets de luxe constituent des feuillets supplémentaires dessinés par les mêmes artistes. En décembre 1913, les artistes qui collaborent à La Gazette du bon ton exposent à la galerie Lévesque et le dîner qui les réunit chez Poiret ouvre le numéro d'août 1914, mais en août 1915 la parution de la revue est interrompue. Vogel lance Le Style parisien et, en mai 1919, Les Feuillets d'art, où l'on retrouve Barbier, Drian, Lepape, Marty mais aussi Benito, Dufy, Halouze, Laboureur, les nouveaux collaborateurs de La Gazette du bon ton qui reparaît en janvier-février 1920, toujours avec la même présentation de luxe et des dessins originaux. Ayant perdu ses abonnements en Allemagne et en Russie, elle est rachetée, en dépit du soutien de Doucet, Beer, Poiret et Worth, par Condé-Nast qui a noué des accords avec Vogel devenu éditeur d'art. En octobre 1922, Condé-Nast crée une édition berlinoise, mais La Gazette ne paraît plus que très irrégulièrement. Vogel, nommé directeur artistique de Vogue, attire vers cette revue les illustrateurs Benito, Lepape et Marty qui mettent un peu de l'esprit « Gazette du bon ton » sur les couvertures des années 1925-1928. Dirigée depuis 1923 par Jean Labusquère, La Gazette devient de plus en plus une feuille d'annonces. La direction technique est assurée en 1924-1925 par Lanvin, Vionnet, Poiret et Worth, mais aussi par les maisons de tissus Bianchini, Rodier, Ducharne. Elle multiplie les croquis techniques, certains dus à Dufy, mais ne peut lutter contre la concurrence de Très Parisien, Art, goût et beauté ou les [...]

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Écrit par

  • : diplômée d'études approfondies d'histoire de l'art, chargée de mission au musée de la Mode et du Costume, palais Galliera

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