LA GLOIRE D'ALEXANDRIE (exposition)
L'exposition La Gloire d'Alexandrie a mis, du 7 mai au 26 juillet 1998, Paris à l'heure de la métropole de l'Égypte gréco-romaine. Des objets spectaculaires, comme la statue colossale d'un roi Ptolémée, reconstituée à partir d'éléments trouvés dans les fouilles sous-marines du phare, ou la mosaïque du « chien penaud », qui ornait sans doute une salle de banquet des palais royaux et que les travaux pour la nouvelle bibliothèque d'Alexandrie ont permis de redécouvrir, rythmaient un ensemble très varié. La juxtaposition, parfois la fusion d'éléments grecs et égyptiens, tantôt mises en valeur par un art d'une facture très sûre, tantôt animées par la foi d'un artisanat populaire, ont fait le charme d'objets bien éclairés, les salles baignant dans la pénombre que l'on attribue aux temples pharaoniques.
Par-delà le plaisir de la visite, l'exposition est venue à un moment où le développement des recherches amène à regarder l'alexandrinisme d'un nouvel œil. Alexandrie avait tous les atouts pour être un des grands sites où le xixe siècle a redécouvert l'Antiquité. Le déclin de la ville à la fin du Moyen Âge et surtout la décision de ses maîtres turcs de l'installer sur l'isthme qui s'est construit petit à petit à partir de la chaussée unissant l'île de Pharos à la terre ferme, laissaient d'innombrables vestiges appartenant aussi bien à la ville d'Alexandre qu'à celle des premiers patriarches chrétiens. L'opération la plus importante avait été, au xve siècle, la construction, au-dessus des soubassements du phare ruiné par les tremblements de terre, d'un fort par le sultan mameluk Qaïtbay. Les savants de l'expédition de Bonaparte sont donc en 1798 les témoins d'un monde prêt à resurgir. Cela ne se fit pas, parce que l'Égypte pharaonique eut la priorité et surtout parce que le prodigieux essor de la ville cosmopolite du xixe siècle le recouvrit et le détruisit en partie. Dès lors, il n'était plus guère possible que de dresser le plan des rues antiques et de sauvegarder quelques nécropoles. Le musée gréco-romain, aménagé au début du xxe siècle, accumulait des collections aussi riches qu'hétéroclites dans une ville dont l'Antiquité avait été bannie.
Le renouveau vint de l'évolution de l'enquête archéologique, de plus en plus méthodique et ample, de la volonté des autorités égyptiennes désireuses de susciter un mouvement touristique, et d'initiatives individuelles, au premier chef, celle de Jean-Yves Empereur, commissaire de l'exposition, qui consacre ses efforts à fouiller le phare et des maisons antiques, là où c'est possible, c'est-à-dire là où des constructions modernes légères, sans fondation, sont détruites pour laisser la place à des grands immeubles, qui détruiront irrémédiablement les niveaux antiques du sous-sol. Le fouilleur doit intervenir entre les deux phases, recueillir ce qui peut l'être, reconnaître, photographier, dessiner le reste.
Le catalogue de l'exposition fait connaître les premiers résultats de ces fouilles de sauvetage. Elles ont atteint par endroits des maisons de la première génération des colons sous un enchevêtrement extrêmement complexe d'opérations immobilières qui se sont succédé pendant plus d'une dizaine de siècles. C'est l'aspect même du sol à l'arrivée des Grecs qui réapparaît, avec ses cordons de dunes dessinant un relief vallonné, entre la mer et le lac Mariout, et ses ressources en eau, pour peu que l'on creuse des puits ou que l'on construise des citernes. Alexandre y fait implanter un réseau perpendiculaire de rues, selon une logique grecque : il apparaît maintenant, grâce à la prospection géophysique conduite par Albert Hesse, que, contrairement aux hypothèses antérieures (qui continuent à être reproduites[...]
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Écrit par
- Olivier PICARD : professeur émérite à la Sorbonne, membre de l'Institut
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