LA GROTTE DES RÊVES PERDUS (W. Herzog)

Werner Herzog a raconté comment, tout jeune, il a été envoûté par Lascaux et en a gardé toute sa vie une fascination pour l'art des cavernes. C'est la raison pour laquelle, après tant de réalisations, il a voulu tourner en 2011 un film sur la grotte Chauvet (Ardèche).

Werner Herzog n'avait auparavant jamais tourné en 3D. S'il a choisi cette technique pour filmer dans la caverne ardéchoise, c'est qu'à son avis elle s'imposait pour capter la magie du milieu souterrain et des images laissées sur les parois par les hommes (ou femmes) des temps glaciaires. Ce choix est judicieux. Il restitue le relief des formes, stalactites et stalagmites, et le modelé des parois. Il fait percevoir au spectateur la profondeur des espaces, mais surtout il permet d'appréhender à quel point les artistes de la préhistoire ont joué des volumes et se sont adaptés à un milieu où creux et bosses, fissures et réduits naturels sont interprétés et jouent un rôle à proprement parler vital dans la création des œuvres.

L'art de la grotte Chauvet est unique par l'originalité, la qualité et le nombre de ses représentations animales, ainsi que par son ancienneté, puisque les plus anciens dessins remontent à près de 36 000 ans. Jusqu'alors, un seul réalisateur (Pierre-Oscar Lévy) avait été autorisé à filmer dans la grotte pour Ardèche-Images-Production en 2000, au prix de multiples contraintes tant pour la réalisation que pour la diffusion de ses images. Le film de Werner Herzog, largement diffusé en France et à l'étranger, constitue un événement. Il rend possible une visite émouvante et approfondie de la grotte pour un large public, lequel ne pourra jamais y avoir directement accès, même si l'espace de restitution prévu dans ses environs devrait en fournir en 2014 un substitut de qualité.

— Jean CLOTTES