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LA LITTÉRATURE ARTISTIQUE. MANUEL DES SOURCES DE L'HISTOIRE DE L'ART MODERNE, Julius von Schlosser Fiche de lecture

Cartographie des sources sur l'art

Quittant les allées principales que forment les neuf livres qui composent l'ouvrage, nous pouvons emprunter des allées secondaires, sections dessinées selon les contours d'un thème précis, puis les petits chemins que forment les paragraphes. Parfois Schlosser choisit un classement topographique, montrant par exemple la diffusion de l'historiographie italienne en Europe, à Nuremberg, à Augsbourg, jusqu'au lointain Danemark, ou déclinant encore l'extraordinaire déploiement du genre quasi autonome de la littérature locale italienne – la littérature des Ciceroni – depuis la Renaissance jusqu'à l'époque baroque. Parfois, au contraire, le classement thématique prévaut, comme dans l'examen, novateur au moment où l'historien écrit, que fait Schlosser de la théorie artistique du maniérisme à travers quelques-uns de ses éléments : essence, intellectualisme, idée, rapport à la beauté, théorie des genres sont autant de rubriques qui permettent de traverser la constellation artistique maniériste. Dans chaque paragraphe, Schlosser chemine alors de livre en livre, d'édition en édition, sachant en une phrase camper un érudit – ainsi, pour ne donner qu'un exemple, quand il parle de Domenico Fiorillo, érudit allemand du début du xixe siècle, comme d'un « vivant exemple de la communauté spirituelle italo-allemande » –, ou réussissant à dérouler soudainement, dans des perspectives saisissantes, la longue chaîne des emprunts entre les livres.

L'extraordinaire sens de la synthèse, des grandes progressions thématiques, combiné à un souci aigu du détail, à la capacité de faire ressentir la vibration particulière de chaque livre à l'intérieur d'un mouvement historiographique, est ce qui caractérise La Littérature artistique et en fait un ouvrage toujours essentiel. Aux paragraphes succèdent de vastes compléments bibliographiques, que rédigea un élève de Schlosser, Otto Kurz (1908-1975, auteur avec Ernst Kris de L'Image de l'artiste), achevant ainsi de faire de l'ouvrage un monument d'érudition. Mais il s'agit d'une érudition vivante, fondée sur une connaissance intime et proprement stupéfiante des livres. En cela, la Littérature artistique de Schlosser appartient à une époque révolue. Une époque où un savant pouvait encore arpenter seul, sur le modèle des derniers périégètes du xviiie siècle, les immenses territoires de l'érudition. Une époque où les synthèses les plus originales, comme celles que Schlosser écrira sur les « cabinets de curiosité » (les Kunst-und-Wunderkammern) ou sur l'Histoire du portrait de cire (1911), étaient fondées sur le savoir philologique le plus exigeant, autorisant cependant des ouvertures vers ce qui ressemblait déjà à une anthropologie de l'art.

— François-René MARTIN

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Écrit par

  • : ancien pensionnaire à l'Institut national d'histoire de l'art, chargé de cours à l'École du Louvre

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