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LA MAISON DIEU. UNE HISTOIRE MONUMENTALE DE L'ÉGLISE AU MOYEN ÂGE (D. Iogna-Prat) Fiche de lecture

Fondé avant tout sur l’étude critique des textes, l’ouvrage de Dominique Iogna-Prat La Maison Dieu. Une histoire monumentale de lÉglise au Moyen Âge (coll. L’Univers historique, Seuil, Paris, 2006) cherche à comprendre le phénomène de « pétrification » de l’Église, c’est-à-dire la magnification de l’église-bâtiment, promue symbole de l’Église-communauté des fidèles. Sur une période qui s’étend de 800 à 1200 environ, il relève les étapes successives où s’affirme le caractère d’exception de l’église. Un processus encouragé par les souverains et les hautes autorités ecclésiastiques, papes et évêques, et soutenu par le développement de la liturgie et des sacrements en particulier.

Les métaphores architecturales pour évoquer les chrétiens, le clergé ou les fidèles sont antérieures à cette époque, puisqu’on en trouve en grand nombre dans la Bible et ses commentaires par les Pères de l’Église. Mais, selon l’auteur, ce n’est pas avant l’époque carolingienne que l’édifice ecclésial acquiert le caractère éminent jusqu’alors dévolu aux reliques ou aux autels qu’il abrite et qu’on s’affranchit de la réticence jusqu’alors prégnante à confiner en un lieu Dieu qui, par définition, est partout. Parallèlement, l’église tend alors à devenir le lieu exclusif d’exercice des sacrements, comme l’y invite dès 789 Charlemagne dans l’Admonitiogeneralis.

Cette affirmation de l’édifice ecclésial dans le paysage médiéval tire évidemment profit de l’érection de l’Église comme « institution totale » dont le corps inclut l’ensemble de la société, au-delà du cadre déjà vaste de la vie religieuse. S’y accomplissent en effet, à proximité de l’autel, les serments, affranchissements, dons et échanges dont se nourrit l’ecclésiologie de l’époque carolingienne qui agrège l’église aux cadres territoriaux que forment le cimetière, la paroisse et le diocèse, venus constituer autant de maillages d’un réseau global où s’intègre la société chrétienne.

Ce n’est pas un hasard si, vers le milieu du ixe siècle, sont précisées les fonctions sacramentelles de l’église et celles, funéraires, du cimetière, qui deviennent les cadres de la vie et de la mort du paroissien, défini alors comme le fidèle attaché à son église. Toujours à la même époque, on observe la diffusion d’un rituel (ordo) de bénédiction des églises, étape importante dans l’assimilation par métonymie du contenu (le peuple chrétien qui est l’Église) dans le contenant (le bâtiment ecclésial).

Du point de vue iconographique, l’évocation de l’Église est plus souvent qu’auparavant rapprochée d’une forme architecturée, depuis le sacramentaire de Drogon (Metz, vers 840, Ms. lat. 9428, fo 87 vo, BNF, Paris) où, au début de la collecte de la messe de saint Paul, l’initiale D abrite une église qui elle-même contient la communauté ecclésiastique. La représentation allégorique de l’Église sous la forme d’un édifice se développe dans l’illustration du rite de la dédicace. On en trouve plus fréquemment dans les rouleaux d’Exultet du sud de l’Italie dans la seconde moitié du xie siècle.

La réforme de l’Église étoffe alors le corpus de textes disponibles à la critique avec des collections canoniques systématiques, des sommes liturgiques et sacramentelles, sans parler de la multiplication des récits de construction et de consécration d’églises. Le prestige de l’édifice ecclésial est accru au terme des grands débats qui agitent la chrétienté. Dans la controverse eucharistique qui avait repris au xie siècle, la victoire des « réalistes », défendant le dogme de la présence réelle du Christ dans les espèces consacrées du pain et du vin lors de l’eucharistie, au détriment des « symbolistes », qui ne voyaient dans ce sacrement qu’une commémoration de la dernière Cène, rehausse la[...]

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Écrit par

  • : professeur d'histoire de l'art et d'archéologie médiévales à l'université de Paris-IV-Sorbonne