LA MAMAN ET LA PUTAIN, film de Jean Eustache
La Maman et la Putain obtint en 1973 le prix spécial du jury au festival de Cannes. Il fut copieusement sifflé par le grand public. C'est évidemment un film qui n'est pas consensuel. Le suicide de son auteur à quarante-trois ans en novembre 1981 a accentué le statut testamentaire de ce film exceptionnel. C'est le seul très long métrage de Jean Eustache, d'une durée également exceptionnelle pour un film intimiste, à trois personnages : trois heures quarante. La seule expérience du même genre, dans le cinéma de cette période, est celle de L'Amour fou de Jacques Rivette (1968). Ces deux films encadrent historiquement les « événements » de Mai-68, celui d'Eustache faisant figure de chant du cygne de cette époque, avant la déferlante du cinéma X de 1974.
Jean Eustache a eu vingt ans en 1958 quand la Nouvelle Vague apparaît. Il en est un héritier direct et débute par des films très réalistes, tournés avec les moyens du bord : Les Mauvaises Fréquentations en 1963, Le Père Noël a les yeux bleus en 1966, où Jean-Pierre Léaud interprète un paradoxal Père Noël, déjà dragueur de femmes. Il explore les limites du cinéma direct avec sa Rosière de Pessac en 1968, reportage sur le couronnement d'une jeune rosière dans la banlieue de Bordeaux. En 1973, il écrit seul le scénario et les dialogues d'une longue confession sentimentale qu'il arrive à faire produire par Pierre Cottrell.
Après le succès critique et public de La Maman et la Putain, Eustache réalise un second long-métrage avec un budget plus confortable, Mes Petites Amoureuses (1974), film sur l'adolescence provinciale aux accents très bressoniens. Il ne pourra malheureusement plus réaliser que des courts-métrages ou des films expérimentaux de Une sale histoire (1977) aux Photos d'Alix (1980). Ne vivant que pour le cinéma, comme cinéphile et cinéaste, il choisit de mettre fin à ses jours.
Rencontre au village Saint-Germain
Alexandre, « jeune homme pauvre », vit avec Marie qui gère un magasin de vêtements dans le quartier de Saint-Germain à Paris. Un matin, il part à la rencontre de l'une de ses anciennes amies, Gilberte, et lui demande de l'épouser. Celle-ci refuse.
Alexandre passe ses journées à lire et à discuter avec des amis dans les cafés de Saint-Germain. Un jour, il remarque une jeune femme (Véronika), la suit et lui demande un rendez-vous. Celle-ci ne vient pas à ce premier rendez-vous, mais Gilberte qui passait par là annonce à Alexandre qu'elle va se marier. Il retrouve Véronika le lendemain. Celle-ci est infirmière et vit dans une modeste chambre, sous les combles, à l'hôpital. Un soir, Alexandre emmène Véronika au restaurant. Elle lui raconte ses aventures amoureuses multiples avec les médecins de l'hôpital. Alexandre raconte à Marie les progrès de sa liaison avec Véronika. Un soir, il la conduit chez elle et Marie devient de plus en plus jalouse.
Profitant d'un séjour de Marie à Londres, Alexandre amène Véronika dans l'appartement de celle-ci et, de séducteur, il va passer au rôle de séduit. Au retour de Marie, il va se partager entre les deux femmes, vit avec Marie mais voit Véronika dans des cafés ou dans sa chambre à l'hôpital.
Un soir, Véronika ivre arrive chez Marie et s'installe dans le lit du couple. Elle va de plus en plus partager leur vie quotidienne et devenir à la fois témoin et actrice de leurs scènes.
Une nuit d'ivresse, elle se livre à une longue confession sur sa vie et sur ses déceptions amoureuses. Elle décide de quitter le couple. Alexandre la raccompagne à l'hôpital, la suit de force dans sa chambre et lui demande de l'épouser. Elle accepte avant de vomir tout l'alcool qu'elle a absorbé.
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Écrit par
- Michel MARIE : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
Classification
Autres références
-
EUSTACHE JEAN (1938-1981)
- Écrit par Michel MARIE
- 2 026 mots
Lelong-métrage suivant surprend les critiques. Il est très long (3 h 40), filmé en 16 mm et en noir et blanc, avec de nombreux gros plans. Son aspect violemment autobiographique choque une large partie du public, surtout au festival de Cannes où le film est copieusement sifflé. La Maman et...