LA MAMAN ET LA PUTAIN, film de Jean Eustache
Un regard authentique
Le film est une longue confession autobiographique. Eustache radicalise le scénario vaudevillesque du ménage à trois, à la Jules et Jim, avec l'homme, sa compagne régulière (la Maman) et la jeune maîtresse (la Putain).
Tout le film est construit sur des conversations, des dialogues ou des monologues, cadrés en longs plans-séquences et en champ contre-champ. Eustache réalise son film en 16 mm et en noir et blanc, avec des options esthétiques très influencées par Robert Bresson, dans les parti pris de cadrages et de composition plastique.
Ses trois personnages sont emblématiques d'une époque, celle qui suit immédiatement Mai-68 avec sa libéralisation des mœurs et la recherche de nouveaux rapports amoureux.
Alexandre est un dandy provocateur qui ne vit que pour la séduction et le langage. C'est un intarissable bavard qui donne son avis sur la société, les femmes, l'art, la politique et bien d'autres sujets, dont évidemment la littérature et le cinéma, car Alexandre est un grand cinéphile aux goûts très affirmés. Eustache l'oppose à la femme mûre, Marie, maternelle et protectrice, gérante d'un magasin, et à Véronika, jeune femme au visage « à la Vermeer », amoureuse déçue, qui multiplie les aventures à la recherche de l'amour partagé.
Le dialogue d'Eustache est d'une extraordinaire authenticité sociologique. C'est un enregistrement direct de la manière de parler de la faune semi-intellectuelle de Saint-Germain, de la vie de bohème des années 1970.
Eustache est magistralement servi par un trio d'acteurs qu'il a dirigé avec une rare rigueur. Jean-Pierre Léaud est un Alexandre plus vrai que nature et Bernadette Lafont comme Françoise Lebrun sont à tout jamais, l'une Marie, la Maman, et Véronika, la jeune Putain, mais celle que l'on aime. Eustache enrichit sa bande sonore en citant intégralement un certain nombre de chansons qui s'intègrent complètement à ses dialogues : Ich weiss, es wird Einmal ein wunder gescheh'n de Zarah Leander, Un souvenir de Damia, Falling in Love again de Marlène Dietrich, La Chanson des fortifs de Fréhel, Les Amants de Paris d'Édith Piaf.
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Écrit par
- Michel MARIE : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
Classification
Autres références
-
EUSTACHE JEAN (1938-1981)
- Écrit par Michel MARIE
- 2 026 mots
Lelong-métrage suivant surprend les critiques. Il est très long (3 h 40), filmé en 16 mm et en noir et blanc, avec de nombreux gros plans. Son aspect violemment autobiographique choque une large partie du public, surtout au festival de Cannes où le film est copieusement sifflé. La Maman et...