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LA MARCHE DE RADETZKY, Joseph Roth Fiche de lecture

À la fin de l'année 1930, Joseph Roth (1894-1939), chroniqueur depuis 1923 à la Frankfurter Zeitung, annonçait à Stefan Zweig la première ébauche de son roman. Alors qu'il avait écrit son œuvre précédente, Job, avec une grande rapidité, l'achèvement de La Marche de Radetzky lui coûta beaucoup de peine, tant le sujet –  l'histoire de la monarchie habsbourgeoise et de la famille Trotta de la bataille de Solferino (1859) à la mort de François-Joseph Ier (1916) – était ambitieux. Le roman fut publié en feuilleton dans la Frankfurter Zeitung à partir du 17 avril 1932, puis sous forme de livre aux éditions Gustav Kiepenheuer, à l'automne 1932. La Marche de Radetzky connut un grand succès – l'édition originale fut vendue à vingt-cinq mille exemplaires. Mais Joseph Roth fut privé de ses droits d'auteur par les nouvelles lois du régime national-socialiste. Il avait émigré à Paris le 30 janvier 1933, jour de la nomination d'Hitler à la chancellerie du Reich.

Destins croisés

Sur le champ de bataille de Solferino, le 24 juin 1859, au terme de combats particulièrement meurtriers, l'armée autrichienne subit une sévère défaite face à l'armée franco-sarde qui défend la cause de l'unité italienne. Ce jour-là, un acte de bravoure du sous-lieutenant Joseph Trotta, soldat originaire du village de Sipolje, sauve la vie au jeune empereur François-Joseph Ier. En récompense, le voilà promu au grade de capitaine et décoré de l'ordre de Marie-Thérèse. Il acquiert également le titre héréditaire de Joseph Trotta von Sipolje. Depuis lors, le destin de la famille Trotta et celui de la Maison Habsbourg vont se trouver indissolublement liés. Mais en sauvant la vie à l'Empereur, le « héros de Solférino » n'a pas pour autant préservé la monarchie du déclin : au contraire, la défaite de 1859 inaugure la série calamiteuse de guerres perdues que conclut la Première Guerre mondiale. En plaçant la famille Trotta sous sa protection, l'Empereur ne l'a pas davantage mise à l'abri du mauvais sort. La décadence de cette lignée, dominée par la figure du préfet Franz von Trotta – dont la physionomie, le comportement et la mentalité ressemblent à s'y méprendre à ceux de François-Joseph Ier –, est aussi inéluctable que celle de la monarchie danubienne. Le dernier des Trotta, Carl Joseph, sous-lieutenant dans une petite ville de garnison des confins du nord-est de la Galicie (sans la nommer, Joseph Roth évoque ici sa ville natale, Brody), est paralysé par la mémoire obsédante de son grand-père, le « héros de Solferino ». Écrasé par le poids d'une tradition qu'il n'a plus la force de perpétuer, il sombre dans l'alcoolisme et meurt lamentablement aux premiers jours de la Grande Guerre, dans le brouillard, la pluie et la boue, d'une balle tirée par des cosaques.

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