LA NAISSANCE DU JOUR, Colette Fiche de lecture

Les nuits d'été

Cet adieu n'est pas un renoncement à la vie. C'est au contraire un renouveau, permettant à l'émotion, à la sensualité, au plaisir même de se redéployer sur d'autres objets : les travaux du jardin et de la maison, la conversation avec les animaux familiers, et notamment les chats, inséparables compagnons de Colette qui n'ont jamais été si présents (« Je n'ai plus envie de me marier avec personne. Mais je rêve encore que j'épouse un grand chat »), et surtout l'immersion dans la nature méditerranéenne que Colette découvre et exalte dans tout l'éclat de ses parfums, de ses couleurs et de ses sons.

Cette réflexion rêveuse de Colette sur elle-même et sur les valeurs qu'elle souhaite privilégier l'amène, par le biais de quelques lettres retrouvées, relues et un peu réécrites, dont les citations ponctuent régulièrement le récit, à nouer un dialogue imaginaire avec sa mère, Sidonie Landoy, dite « Sido », disparue quinze ans plus tôt. Jadis éloignée d'elle, Colette, en relisant ses lettres qui établissent au-delà même des mots la plus intime des communions, comprend, l'âge venu, combien cette figure maternelle lui est désormais proche par son humour, sa générosité et son indéfectible foi en la force de la vie. Sido écrit ainsi à son gendre qu'elle ne peut venir le voir car son cactus rose attend une fleur, ce qui n'advient que tous les quatre ans. C'est un processus d'identification qu'évoque le roman et qui entraîne Colette à se livrer au même cérémonial que sa mère : se lever dans la nuit et aller au cœur de la nature, dans une sorte de quête des origines, pour contempler le spectacle cosmique symbole de tous les engendrements, celui de la naissance du jour, « l'instant où le lait bleu commence à sourdre de la mer, gagne le ciel, s'y répand et s'arrête à une incision rouge au ras de l'horizon ».

Cette évocation pudique et émue de Sido, à qui en 1930 Colette consacrera tout un livre, mais aussi les superbes pages consacrées à la Côte d'Azur font de La Naissance du jour, poème lyrique tout autant que récit autobiographique, une des œuvres les plus fortes et les plus attachantes de son auteure.