NATURE LA, revue

Le 7 juin 1873 paraît le premier numéro de La Nature, « revue des sciences et de leurs applications aux arts et à l'industrie ; journal hebdomadaire illustré » chez Masson, éditeur. Son rédacteur en chef est Gaston Tissandier (1843-1899), chimiste, physicien et surtout aérostier, qui réunit autour de lui un large comité scientifique. La couverture est illustrée d’un soleil se levant sur une mer bordée d’un rivage rocheux, illustration très réminiscente de celle du premier numéro de la revue britannique Nature, illustré par une Terre émergeant d’une sorte de chaos, à moins que ce ne soit de nuées. Les deux revues ne peuvent être confondues : Nature est un journal scientifique, dont on connaît l’évolution vers la publication de référence dans nombre de domaines ; La Nature est un journal de communication scientifique, destiné à l’information d’un large public.

La Nature connaîtra un beau succès pendant trois quarts de siècle, mais aussi des périodes difficiles, comme celles des deux guerres mondiales, au cours desquelles le nombre de livraisons s’effondre. Puis, la revue périclitera au sortir de la Seconde Guerre mondiale, changera de titre à plusieurs reprises pour être finalement absorbé en 1972 par la revue La Recherche.

Les articles sont rédigés par des scientifiques œuvrant comme rédacteurs, endossant ainsi le rôle de journalistes scientifiques. Le contenu est « vulgarisé » et remplit bien sa fonction d’interface entre un lectorat de journaux et le monde des sciences et des techniques. Chaque livraison comprend une trentaine d’articles. Les sujets généraux sont suivis de textes plus courts, les chroniques. On reconnaît là une organisation qui existe encore dans de nombreux journaux scientifiques et de vulgarisation. Les thèmes sont étroitement liés à l’actualité et se distribuent entre tous les domaines des sciences y compris la météorologie et les voyages d’exploration. Les sujets traités sont internationaux – Tissandier insiste sur la nécessité de connaître ce qui se passe hors des frontières et que les Français ignorent –, ce qui est remarquable pour l’époque. Il s’agit donc non seulement de communication, mais aussi d’actualité scientifique, ce que traduit le caractère hebdomadaire de la parution. Les auteurs répondent dans la revue aux questions de leurs lecteurs.

Le succès de La Nature est bien dû à sa qualité et à la rencontre d’un lectorat spécifique, curieux et éduqué. Mais il est d’abord lié au développement des sociétés industrielles. Il devient en effet évident que le monde des ingénieurs, industriels, enseignants, politiques… doit être informé des avancées scientifiques et techniques. Cet « enseignement » pouvant difficilement passer par les revues de sociétés savantes, il faut développer un genre nouveau : la vulgarisation. La publication d’annuels scientifiques thématiques se multiplie. L’Annuaire, édité par le Bureau des longitudes depuis 1795, est tiré à 10 000 exemplaires au cours des années 1850, et surtout lu pour son grand article introductif d’Arago selon Louis Figuier. Des articles à contenu scientifique paraissent dans des revues comme le Magasin pittoresque ou la Revue des Deux Mondes. L’Année scientifique et industrielle, ou Exposé annuel des travaux, lancé par Louis Figuier en 1856, offre des lectures scientifiques très diversifiées et accessibles. La Nature se situe donc dans un mouvement de publications vulgarisées qui complète le précédent et s’amorce vers 1860. Son seul véritable compétiteur à ce niveau est La Revue scientifique de France et de l'étranger, lancée en 1863 – qui deviendra La Revue scientifique. La Science illustrée, fondée en 1875, publie surtout des romans en feuilletons, tels certains de Jules Verne. Il en existe bien d’autres.

Dans ce foisonnement de publications, La Nature se distingue[...]