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LA NOUVELLE HÉLOÏSE, Jean-Jacques Rousseau Fiche de lecture

L'utopie de la communauté

À Vevey, au bord du lac Léman, Saint-Preux est le précepteur d'une jeune fille de bonne famille, Julie d'Étanges. Il s'éprend de son élève, sous les yeux de la cousine Claire. L'idéal d'une union pure ne dure pas. Un baiser puis une nuit d'amour changent les jeunes gens en un couple d'amants. Ils aident un garçon et une fille du pays à se marier, alors qu'eux-mêmes sont séparés par les préjugés sociaux de M. et Mme d'Étanges. Un lord anglais de passage, milord Edouard Bomston, provoque la jalousie de Saint-Preux. Le duel est évité, et une amitié naît entre les deux hommes. La révélation de la liaison entraîne la colère du père qui brutalise Julie et cause une fausse couche de celle-ci, alors que Claire épouse M. d'Orbe. Comme Julie refuse la solution de la fuite en Angleterre, c'est Saint-Preux qui choisit de s'éloigner et va séjourner à Paris. Lorsque Mme d'Etanges meurt, Julie cède à la pression de son père qui prétend la marier à un de ses amis, baron balte, M. de Wolmar.

Après un tour du monde dans le navire de l'amiral Anson, Saint-Preux revient en Suisse et découvre la propriété de Clarens, fondée sur l'utilité et la morale. L'ancien bosquet du premier baiser est devenu l'Élysée, îlot de pure nature qui se révèle un subtil artifice. Saint-Preux cherche à s'adapter à cette vie saine, mais la passion n'est pas morte, et une incompréhension sépare les époux : Wolmar est athée, Julie sincère chrétienne. Alors qu'elle cherche à sauver son fils, Julie tombe dans le lac et meurt des suites de cet accident. Elle expose sur son lit de mort ses convictions religieuses et propose à Saint-Preux d'épouser Claire devenue veuve. Ceux-ci refusent mais envisagent de continuer à faire vivre Clarens.

Cette intrigue longue et touffue donne au lecteur le sentiment du temps qui passe, et de la maturation des êtres. Rousseau en a écarté l'épisode des amours de milord Edouard qui constituent une annexe, de même que les commentaires, proposés par le romancier, des douze estampes dessinées par Gravelot, qui fixent les moments forts de l'œuvre, du premier baiser à la mort de l'héroïne. Le lyrisme passionné du début cède progressivement la place aux descriptions (le Valais, Paris et ses tentations, le voyage autour du monde), aux discussions sur le duel et l'honneur, le suicide, l'éducation, l'économie et les relations sociales, la religion. Le pèlerinage aux « monuments des anciennes amours » montre la permanence de l'inspiration amoureuse, marquée par Pétrarque (qui fournit l'épigraphe), et par la musique et l'opéra italiens. Le succès du roman a été immédiat. Il a été déterminant dans l'évolution de la sensibilité en Europe, inspirant Laclos aussi bien que Goethe, Chateaubriand aussi bien que Foscolo. En réunissant dans une Suisse médiatrice des Vaudois, un baron balte et un lord anglais épris d'Italiennes, en faisant vivre ensemble un athée, un déiste et une mystique, mais sans préciser l'avenir de Clarens après la mort de Julie, Rousseau a créé une œuvre réellement européenne et suggéré un modèle de tolérance.

— Michel DELON

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Écrit par

  • : professeur de littérature française à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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Jean-Jacques Rousseau - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Jean-Jacques Rousseau

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  • ROUSSEAU JEAN-JACQUES (1712-1778)

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