LA PHILOSOPHIE DES FORMES SYMBOLIQUES, Ernst Cassirer Fiche de lecture
La Philosophie des formes symboliques (Die Philosophie der symbolischen Formen, 1923-1929) est considérée comme l'œuvre maîtresse du philosophe allemand Ernst Cassirer (1874-1945). Formé par le kantisme et héritier direct de l'Aufklärung, esprit encyclopédique, Cassirer a tenté la synthèse de l'idéalisme kantien (le criticisme) avec une pensée de l'histoire et même de l'engagement : contraint par le nazisme de s'exiler, dès 1933, à cause de ses origines juives, il consacre son dernier livre au Mythe de l'État (posthume, 1946).
Mythe et symbole
L'opposition entre mythe et symbole permet de lire a posteriori la thèse centrale de La Philosophie des formes symboliques comme l'affirmation d'un pouvoir libérateur de la culture. L'homme est un « animal symbolique ». Il ne cesse de produire du sens ou, pour le dire autrement, de construire un « monde » qui l'arrache à son individualité et à sa condition de nature. Cet arrachement a pour premier instrument le langage, et Cassirer n'aborde le concept de symbole qu'à travers sa « construction linguistique ». Ainsi faudrait-il décliner autant de « grammaires » que de domaines de l'activité humaine : science, art, religion, vie sociale... La connaissance exacte, mathématique, du réel n'apparaît plus alors de ce point de vue (celui d'une philosophie de la culture) que comme une « superstructure ». Reprenant à Hegel le projet d'une « phénoménologie », Cassirer voit dans la suite des réalisations humaines le déploiement d'une unité, non pas substantielle mais dynamique : c'est l'humanité dans son ensemble qui tient ici le rôle de l'esprit.
La grande synthèse académique des Formes symboliques occulte un peu ce qu'a d'ouvert et de problématique l'approche historico-systématique de Cassirer : ce déploiement n'a pas de terme, sauf à admettre pour l'homme sa propre disparition. L'histoire est le théâtre de notre liberté. Rédigés à la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'Essai sur l'homme (1945) et celui sur l'État soulignent plus nettement la dimension « catastrophique » du mythe, qui fige la forme, quand le symbole, au contraire, nourrit une pluralité incessante, voire conflictuelle, d'expressions.
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Écrit par
- François TRÉMOLIÈRES : professeur de littérature française du XVIIe siècle, université Rennes-2
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