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LA POUPÉE (I. Kadaré) Fiche de lecture

Ismail Kadaré - crédits : Dan Porges/ Getty Images

Ismail Kadaré

Ismaïl Kadaré a souvent parlé de lui-même. Il a transposé dans Chronique de pierre son enfance et dans Le Crépuscule des dieux de la steppe ses années d'études à l'institut Gorki de Moscou. Toutefois, il parle davantage des situations – la guerre et la nocivité du réalisme socialiste soviétique – que de sa propre personne. Il évoque aussi volontiers l'élaboration de son œuvre et ses difficultés (Le Poids de la Croix). Il reconstitue également la figure d'Eschyle par des biais qui présentent des ressemblances avec son statut d'écrivain dans un pays totalitaire (Eschyle ou le grand perdant). La Poupée (traduit de l’albanais par Tedi Papavrami, Fayard, 2015)surprend, tant ce texte est beaucoup plus proche de la confidence que de l'autobiographie. La rédaction en fragments, parfois limités à une seule phrase, laisse place à de larges respirations qui donnent aux propos laconiques une densité particulière, comme lors d'une conversation intime.

Une famille en procès

L’ambiance dans laquelle l’écrivain a grandi n'est sans doute pas étrangère à la tristesse qui nimbe l’œuvre. Les Kadaré sont pauvres, hautains et bien peu nombreux : « Chez les Kadaré, on était mort. » Les relations entre la mère et la belle-mère sont glaciales. Le père est si exaspéré de retrouver, le soir, des visages fermés, qu'il organise un procès familial. Il s'instaure juge au foyer mais son indécision prolonge interminablement les débats. En effet, il doit le respect à sa vénérable mère mais comprend bien que sa femme doit être protégée, eu égard à ses étranges faiblesses. On peut songer ici au flou permanent qui entoure les événements et les témoignages dans les romans de Kadaré…

Le père est décrit comme morose et indifférent. « Son air grave » permanent ne déplaît pas à son fils car il le rapproche du père d'Hamlet. Pourtant, adulte, Kadaré ne trouve guère de traces d'un duel œdipien, tant le père a laissé une grande liberté à son fils. Si cet homme ne parle guère, il médite. L'écrivain confie : « Peut-être la seule chose que j'avais retenue de lui était la conscience de la difficulté à saisir si la tyrannie était bien réelle, ou façonnée par nous. De même que la soumission. » Les lecteurs de Kadaré reconnaîtront là un des thèmes du Palais des rêves.

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Écrit par

  • : professeur agrégé, docteur en lettres modernes, habilité à diriger des recherches en littératures comparées

Classification

Média

Ismail Kadaré - crédits : Dan Porges/ Getty Images

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