LA PREUVE EN MATHÉMATIQUE (colloque)
Du 24 au 28 mai 2005 s'est tenu à l'université Charles-de-Gaulle - Lille-III un colloque international intitulé « La preuve en mathématique : logique, philosophie, histoire ». Le projet de cette manifestation remonte à une préoccupation ancienne et profonde des spécialistes de philologie et d'herméneutique de l'école de Jean Bollack (1923-2012) : ceux-ci, convaincus que les bonnes interprétations des textes (notamment anciens) pouvaient être montrées telles au moyen d'un certain type de preuves, désiraient depuis longtemps organiser une recherche interdisciplinaire portant sur la variété des régimes de démonstration. Ce programme, formulé de manière plus précise et systématique à l'issue d'un travail collectif au sein de l'unité mixte de recherche Savoirs et textes de Lille, dirigée par Fabienne Blaise (maître de conférences de langue et littérature grecques à l'université Charles-de-Gaulle - Lille-III), a pu trouver un financement à la mesure de son intérêt scientifique. C'est ainsi qu'il a été confié à Pierre Cassou-Noguès (philosophe, chargé de recherche au CNRS) le soin d'organiser un colloque où l'on traiterait de l'aspect logico-mathématique de la notion de preuve. Celui-ci s'est mis en rapport avec Marco Panza (chargé de recherche au CNRS, en histoire et philosophie de la mathématique, au laboratoire de Recherches épistémologiques et historiques sur les sciences exactes et les institutions scientifiques [REHSEIS]) et Paolo Mancosu (professeur associé de philosophie à l'université de Californie à Berkeley) pour organiser un tel colloque, et le groupe ainsi constitué a souhaité faire d'une pierre deux coups, en saisissant le prétexte d'une réflexion sur la preuve pour essayer de mettre en rapport et d'amener au moins à une esquisse de dialogue des chercheurs plutôt liés à une conception analytique et logicienne et des chercheurs plutôt adeptes d'une conception historienne spéculative. Il en a résulté une manifestation d'une extraordinaire diversité, qui a fait mieux que tenir ses promesses. Se sont rencontrés des chercheurs américains, anglais, canadiens, finlandais, suédois, italiens, allemands, français, colombiens, brésiliens ; des logiciens, des philosophes de la mathématique et de la logique, des historiens de la mathématique ; des formalistes, des intuitionnistes, des logicistes ; des phénoménologues et des philosophes analytiques ; des empiristes et des transcendantalistes.
De manière plus intéressante encore, la rencontre a mis en évidence la fécondité de certains thèmes de discussion, et la persistance de certaines différences d'approche. De ce point de vue, les trois tables rondes prévues par les organisateurs ont joué un rôle essentiel, le contenu de débat qui leur était imparti ayant été souvent repris en dehors d'elles : l'une portait sur le rôle de l'intuition et de la figuration spatiale relativement à l'activité de preuve, la deuxième sur la recherche par les mathématiciens de « bonnes » preuves exhibant une certaine pureté des méthodes, et la troisième sur le traitement technique logique de la preuve.
Évoquons quelques points à propos et à la faveur desquels il semble que l'on puisse diverger, ce qui permet aux sensibilités incompatibles de s'exprimer :
– La mise en forme hilbertienne de la mathématique, autrement dit la conception de la mathématique comme un système formel, a-t-elle fonctionné comme un principe de fermeture pour le développement de la mathématique, ou était-elle la méthode même de l'ouverture ?
– La vision intuitionniste de la mathématique privilégiant la preuve sur la vérité est-elle incontournable ? Rencontre-t-elle des problèmes internes insurmontables ? Permet-elle de récupérer certaines grandes idées de Frege[...]
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Écrit par
- Jean-Michel SALANSKIS : professeur de philosophie des sciences, logique et épistémologie à l'université de Paris-X-Nanterre
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