LA PRINCESSE D'ÉLIDE, Molière Fiche de lecture
Une pièce écrite pour la fête
Le choix du cadre pastoral s’explique également par les circonstances de la création. Conçue spécifiquement pour le nouveau théâtre de verdure de Versailles, LaPrincesse d’Élide,en s’étendant aux jardins du château, brouille agréablement la limite entre fiction et réalité. Ainsi, la course de bague que gagne le prince d’Ithaque au troisième acte répond à celle organisée la veille dans le cadre des Plaisirs de l’île enchantée. La pièce semble d’ailleurs ne donner sa pleine mesure que dans son lieu d’origine : lorsque la troupe reprend LaPrincesse d’Élide en novembre 1664 à Paris, dans son Théâtre du Palais-Royal, les recettes sont inférieures à celles des autres créations de Molière.
La dramaturgie ménage aussi la concentration d’un public fatigué par un programme de festivités exigeant. Le genre de la comédie-ballet diversifie les formes et le rythme du spectacle, tandis que l’intrigue ténue permet de se focaliser sur les grandes scènes touchantes, tout cela afin de maintenir l’attention des spectatrices et spectateurs.
Enfin, le passage des vers à la prose au début de l’acte II s’explique également par le contexte de la création. La raison serait « un commandement du roi » accélérant les préparatifs de la fête qui aurait obligé Molière à « achever tout le reste en prose » à partir de l’acte II.
Or la présence de cette information, incluse dans le texte même de la pièce, ne va pas de soi. Elle n’est pas l’unique mention inhabituelle dans La Princesse d’Élide : les actes sont introduits par des résumés, et les intermèdes sont décrits en détail. Ces précisions sont dues à des circonstances de publication particulières.
En effet, à la différence des autres pièces de Molière, LaPrincesse d’Élide ne paraît pas seule, mais dans la relation imprimée des Plaisirs de l’île enchantée. Comme d’autres ouvrages de cette sorte, cette publication sert à diffuser dans l’espace et dans le temps une version officielle et idéalisée – voire fictive – des événements afin d’assurer la gloire du règne de Louis XIV. L’abondance de détails dans LaPrincesse d’Élide immortalise autant le texte que la représentation et ses participants. La remarque expliquant le passage des vers à la prose fait elle aussi partie de ce dispositif : elle représente la toute-puissance d’un roi qui, par sa seule volonté, commande aux auteurs et à leurs œuvres.
Pour Molière, la parution du texte intégral de sa pièce dans un récit officiel de fête royale marque une véritable consécration. C’est d’autant plus vrai qu’il est également qualifié d’« excellent acteur », aux côtés des danseurs et des musiciens vedettes. Quelques mois plus tard, sa troupe passera d’ailleurs du statut de troupe de Monsieur (frère du roi) à celui de troupe du roi. En retour, Molière sert la promotion de la politique royale. Non seulement sa pièce s’accorde directement à la politique culturelle voulue par Louis XIV, mais son nom assure la diffusion des Plaisirs de l’île enchantée. On voit en effet rapidement paraître des éditions de la relation dont la page de titre met Molière et sa Princesse d’Élide au premier plan. Le nom de la vedette sert ainsi d’appât à la communication royale, attirant vers la relation de la fête des publics qui ne liraient pas, sans cela, le récit idéalisé des merveilles de Louis XIV.
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Écrit par
- Christophe SCHUWEY : maître de conférences, université Bretagne sud, Lorient
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