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LA REINE MORTE, Henry de Montherlant Fiche de lecture

La Reine morte (1942) d'Henry de Montherlant (1895-1972) est inspirée d'une pièce de l'auteur espagnol du Siècle d'or Luis Vélez de Guevara, Régner après sa mort (Reinar despuès de morir, 1652), consacrée à l'histoire tragique d'Inès de Castro. La création eut lieu le 8 décembre 1942 à la Comédie-Française dans une mise en scène de Pierre Dux, avec Jean Yonnel dans le rôle du roi Ferrante et Madeleine Renaud dans celui d'Inès. Montherlant nota dans ses Carnets que la générale fut pour le moins tiède, avant que la pièce, sur laquelle on avait opéré dès le lendemain un certain nombre de coupes, ne connaisse un réel succès public. Mais il se défend avec ironie d'avoir instillé dans son texte les allusions à l'actualité des temps de guerre, que les spectateurs de tous bords se montraient inévitablement prompts à déceler.

L'importance des « caractères »

Ce drame en trois actes, d'une facture éminemment classique, se situe à la cour de Portugal. Le mariage qui doit unir le prince Pedro, fils du roi Ferrante, à l'infante de Navarre, se heurte à un obstacle insurmontable au regard des lois religieuses : Pedro, ainsi qu'on l'apprend au commencement de l'acte II, a épousé en secret Inès de Castro, fille naturelle, qui porte au demeurant un enfant de lui. Elle sera finalement exécutée, avant que Ferrante ne s'éteigne lui-même, et que ne lui succède sur le trône son fils en deuil.

Bien plus que le mouvement dramatique proprement dit, c'est la matière psychologique, ce que l'auteur nomme lui-même les « caractères », qui constitue la véritable substance de la pièce de Montherlant. Le cadre et le personnel théâtraux, la cour de Montemor-o-velho au xive siècle fournissent le prétexte nécessaire à intensifier les relations, les sentiments et les antagonismes à l'œuvre, à bâtir surtout des figures hiératiques et surhumaines, mais agitées de violents tourments existentiels. Car les questions qui traversent La Reine morte se situent moins à hauteur d'homme qu'elles n'aspirent à un certain absolu. Dès lors, seuls le lustre d'un prestigieux passé, la pompe et le décorum inflexibles de quelque monarchie figée dans l'imagerie intimidante de ses rites conviennent à une telle exigence d'élévation.

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Écrit par

  • : écrivain, metteur en scène, maître de conférences à l'université de Paris-X-Nanterre

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