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LA RELIGIEUSE, Denis Diderot Fiche de lecture

La Religieuse est un roman de Denis Diderot (1713-1784) qui trouve son origine dans une supercherie. En 1760, avec la complicité de quelques amis, dont Friedrich Melchior Grimm, Diderot imagine un stratagème pour faire revenir à Paris leur ami, le marquis de Croismare, retiré dans son domaine normand. La petite bande rédige, en s’inspirant d’une affaire réelle (le procès intenté vainement, en 1755, par une religieuse, Marguerite Delamarre, pour être délivrée de ses vœux), une série de lettres censées être écrites par une religieuse évadée d’un couvent, et adressées au marquis pour lui demander de l’aide. Apparemment mystifié, celui-ci répond et l’échange se poursuit durant quelques mois. Dix ans plus tard, dans la Correspondance littéraire, Grimm révèle la supercherie et publie les fausses lettres. Enfin, entre 1780 et 1782, toujours dans la Correspondance littéraire, Diderot fait paraître un roman intitulé La Religieuse. Entretemps, si le dispositif initial est resté le même, les lettres sont devenues des mémoires. Le texte ne sera publié en volume qu’en 1796, soit douze ans après la mort de l’auteur, complété par le récit de Grimm et les lettres, le tout en partie réécrit. Maintes fois réédité et traduit en plusieurs langues, le livre connaîtra un succès parfois ambigu : s’il a pu séduire les amateurs de romans libertins auxquels il emprunte parfois sa trame, sa charge politique n’a guère faibli au fil du temps, comme en témoignait encore, en 1967, la censure de l’adaptation cinématographique de Jacques Rivette, Suzanne Simonin. La Religieuse de Diderot, qui fit grand bruit à l’époque.

Suzanne ou les infortunes de la vertu

Une religieuse, Suzanne Simonin, entreprend de rédiger ses mémoires à l’intention du marquis de C***, à qui elle demande protection. Fille mal aimée d’un avocat qui la soupçonne d’être le fruit d’une relation adultère de son épouse, elle voit se marier ses deux sœurs richement dotées, et est envoyée contre son gré au couvent. Après avoir refusé de prononcer ses vœux au terme de son noviciat, elle retourne chez ses parents où elle reste recluse plusieurs mois, puis finit par se soumettre et par entrer chez les Clarisses de l’abbaye royale de Longchamp pour y prendre définitivement le voile. Les deux premières années, l’austérité de cette vie monastique qu’elle n’a pas choisie est tempérée par la présence d’une mère supérieure bienveillante. Mais à la mort de celle-ci, sa remplaçante, la mère Sainte-Christine, la prend en aversion et lui fait subir privations, sévices et humiliations. Lorsqu’elle s’adresse à un avocat pour tenter de faire annuler ses vœux, son sort s’aggrave encore. Lors d’une visite, le grand vicaire découvre son état pitoyable et ordonne qu’on fasse cesser ce scandale. La situation de Suzanne s’adoucit alors quelque peu mais elle perd son procès et les tortures reprennent de plus belle. Elle est sur le point de mourir lorsque, à l’occasion d’une nouvelle visite, le grand vicaire lui annonce que, grâce à l’action de son avocat, elle va être tirée des griffes de la mère Sainte-Christine et transférée au couvent Saint-Eutrope d’Arpajon.

Là règne, tout à l’inverse, une forme de frivolité, voire de licence. La sensualité y est omniprésente, sous l’influence de la mère supérieure qui entretient des relations troubles avec les sœurs et ne tarde pas à tomber amoureuse de Suzanne. Celle-ci, toujours innocente et vertueuse, se voit ainsi devenir l’objet d’un désir qu’elle devine scandaleux. Au récit des tourments physiques et moraux infligés à Longchamp succèdent des scènes assez suggestives pour laisser peu de doutes sur la nature de la « tendresse » de la mère supérieure, qui se mue en véritable passion, dévorante et destructrice. En lutte contre ses propres pulsions, passant brutalement de l’abandon à ses désirs à la culpabilité et à la contrition,[...]

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  • FRANÇAISE LITTÉRATURE, XVIIIe s.

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    ...Bougainville de Diderot, ou emprunter des voies indirectes (l’Encyclopédie), celles de la fable, du conte ou de la fiction : l’histoire même de La Religieuse de Diderotillustre la critique de la famille bourgeoise, de l’oppression religieuse, de l’enfermement conventuel et constitue une fable...