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LA RÉVOLUTION SURRÉALISTE (exposition)

En 2002, le surréalisme aura eu les honneurs des cimaises du monde entier : à Londres, à New York et à Paris, les expositions rétrospectives se sont succédé, la première, avec deux étapes, mettant en exergue le désir, la seconde, présentée au Centre Georges-Pompidou du 6 mars au 24 juin 2002, la révolution ; l'une embrassant l'histoire du mouvement jusqu'au début des années 1970, l'autre en présentant la période « héroïque » (1920-1940). Si l'heure semble désormais être aux bilans, l'histoire n'en apparaît pas pour autant univoque et définitivement écrite.

Dès les débuts du mouvement – né officiellement en 1924 à Paris, à la fois dans le prolongement de et en rupture avec la révolte dadaïste engendrée par la Première Guerre mondiale – l'existence d'une peinture surréaliste a fait l'objet de débats houleux. Car si le domaine du rêve exploré par les surréalistes peut éventuellement être représenté ou traduit visuellement, la possibilité d'un automatisme pictural est d'emblée sujette à caution : trop de médiations, trop de technicité interviennent entre l'inconscient et l'image finale pour que contrôles et barrières puissent véritablement tomber. Rapidement pourtant, dès le Second Manifeste du surréalisme paru en 1929, André Breton rallie différents artistes à sa recherche d'un « certain point de l'esprit d'où la vie et la mort, le réel et l'imaginaire, le passé et le futur, le communicable et l'incommunicable, le haut et le bas cessent d'être perçus contradictoirement ». Werner Spies, spécialiste de Max Ernst et commissaire de l'exposition parisienne, relève toutefois chez les historiens une suspicion tenace à l'égard des œuvres plastiques surréalistes. Par cette exposition, il entendait réinstruire le procès, versait aux débats quelque deux cents peintures, deux cents œuvres sur papier, une centaine de sculptures et d'objets ainsi que soixante-dix photographies.

L'ensemble ainsi réuni était sans conteste d'une ampleur et d'une qualité inédites : les musées du monde entier ont nourri ce panorama, les collectionneurs privés également – et l'on restait admiratif devant la bibliothèque de Paul Destribats, en particulier les dessins de Nadja, l'héroïne célébrée par le roman de Breton. Les redécouvertes furent nombreuses : les deux panneaux peints par Max Ernst pour la maison de Paul Eluard à Eaubonne, le bel ensemble d'œuvres d'Yves Tanguy, la reconstitution d'une vitrine de l'Exposition surréaliste d'objets (1936), le mur de l'atelier de Breton, auparavant présenté dans le parcours des collections permanentes du musée. Certains rapprochements frappaient par leur évidence comme cette saisissante confrontation entre la Poupée de Bellmer et les corps – mi-chairs, mi-pierres – peints par Picasso dans les années 1930, époque à laquelle il est le plus proche du mouvement. Le parcours était relativement clair : chronologique, il suivait le surréalisme depuis ses sources (De Chirico), ses prémisses (dans le dadaïsme) et ses débuts (en littérature, avec les Champs magnétiques écrits par Breton et Soupault) jusqu'à l'exil de certains de ses membres aux États-Unis à l'aube de la Seconde Guerre mondiale ; dans les salles alternaient groupements thématiques ou techniques et ensembles monographiques. Werner Spies semblait ainsi s'être donné les moyens d'atteindre son but, assigné voilà longtemps : faire reconnaître le surréalisme comme la révolution plastique majeure du xxe siècle.

Pourtant, l'exposition péchait paradoxalement – et l'on a quelques scrupules à le dire – par ses dimensions, sa visée encyclopédique, la surabondance d'œuvres et le caractère répétitif de certains ensembles, ainsi que par l'omniprésence[...]

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