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LA SAGA DES INTELLECTUELS FRANÇAIS (F. Dosse) Fiche de lecture

L’irruption des sciences humaines

À partir de 1960, la notion de structure, qui accorde une fonction prééminente aux effets de langage, va marquer une nette rupture par rapport à l’engagement sartrien. Elle irriguera et bouleversera l’anthropologie chez Claude Lévi-Strauss, la linguistique et la critique littéraire chez Roland Barthes, la psychanalyse chez Jacques Lacan. Jusqu’à ce que d’autres figures remettent en question ce cadre de pensée en problématisant les notions de sujet désirant (Gilles Deleuze et Félix Guattari), de discours de vérité (Michel Foucault) ou de différence (Jacques Derrida). Les chapitres successifs de ce « feuilleton » intellectuel sont pesés au trébuchet : les années Beauvoir et le féminisme, le poids du PCF et les relations avec l’URSS, l’insurrection de Budapest en 1956 puis celle de Prague en 1968, le moment gaullien, l’âge d’or des sciences humaines, la fracture coloniale, l’émancipation de l’Église après Vatican II, les balbutiements de l’écologie politique, la « nouvelle histoire » avec Georges Duby et Jacques Le Goff, ou les « nouveaux philosophes » – Bernard-Henri Lévy, André Glucksman – qui peinent à se hisser au niveau des anciens. La disparition des maîtres-penseurs et l’atomisation des savoirs annoncent une « fin de siècle sans boussole » et l’effacement de ces acteurs singuliers de la société française, dont l’influence a largement débordé nos frontières.

« L’électrochoc de 1989 met un terme, non à l’histoire, comme l’a suggéré Fukuyama, mais à ce tragique xxe siècle qui doit laisser place à un xxie siècle ouvert sur de toutes nouvelles conceptualisations pour penser un monde devenu autre, contraint de se débarrasser des illusions d’hier et de reconstruire un nouvel horizon d’attente. » Les intellectuels prophétiques ont désormais laissé la place aux spécialistes et aux experts, omniprésents dans les médias. De la Libération à la chute du Mur de Berlin, de Sartre à Foucault, de l’intellectuel universaliste à l’intellectuel spécifique, François Dosse relit, sans prétendre faire des révélations, cette « saga » très française dans un but explicite : aider à penser un héritage qui, pour reprendre la formule de René Char, n’est précédé d’aucun testament.

— Laurent LEMIRE

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