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LA SENTE ÉTROITE DU BOUT-DU-MONDE, Bashō Fiche de lecture

De la contemplation à la quiétude

Bashō n'a jamais souhaité développer par une théorie son art particulier. Toutefois, il est le fondateur de l'école Shomon, qui répond à l'application de trois principes, sabi, shiari et hosomi. Le premier terme évoque la sobriété née de la contemplation, le deuxième l'indispensable harmonie, clé de l'œuvre, le troisième la quiétude, qui découle de la contemplation et de l'harmonie. Au nom de ces principes, Bashō renonce au formalisme, véritable carcan imposé par la poésie qui l'a précédé au nom du respect des règles de cour, au profit d'une poésie vivante, fondée sur la sincérité et l'humanité. C'est ainsi que l'émotion ressentie au souvenir des guerriers d'autrefois se mêle à une méditation sur la fuite du temps, et l'inanité de la gloire martiale : « „L'État détruit, il reste monts et fleuves ; sur les ruines du château, le printemps venu, l'herbe verdoie“ », me récitai-je et, assis sur mon chapeau, oubliant le temps qui passe, je versai des larmes : Herbes de l'été/ Des fiers hommes de guerre/ Trace d'un songe. »

Avec Bashō, le haiku sort d'une forme poétique figée, qui le faisait souvent apparaître comme un jeu de lettrés, faisant la part belle à l'esprit, plutôt que comme une création véritablement poétique. Bashō, lui, sait utiliser toutes les ressources offertes par un genre a priori limité, au nom du principe de fueki-ryuko, à savoir à la fois « invariance et fluidité ». Invariance, en ce que l'homme, tout comme la nature, porte en lui des traits éternels, qui nous rendent aujourd'hui encore sensibles au haiku d'un poète du xviie siècle ; fluidité nécessaire et imposée par le temps qui s'écoule, nous échappe, et donne à chaque époque un style qui lui est propre. Cette règle d'art se faisant philosophie, Bashō nous invite à allier l'essentiel à l'accidentel, afin de goûter, fût-ce amèrement, la beauté éphémère. Mourant, il compose un ultime haiku : « Tombé malade en voyage/ En rêve, je me vois errant/ Sur la plaine morte. »

— Florence BRAUNSTEIN

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  • BASHŌ (1644-1694)

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