LA STRUCTURE DE L'APPARENCE, Nelson Goodman Fiche de lecture
La Structure de l'apparence de Nelson Goodman (1906-1998) a été publié en 1951. Issu de sa thèse, soutenue à Harvard en 1941 sous le titre : A Study of Qualities, l'ouvrage offre à la fois un prolongement et une réponse critique à l'entreprise de Rudolf Carnap (1891-1970) dans son œuvre de 1928 : Der logische Aufbau der Welt (La Construction logique du monde). Carnap se proposait de construire les concepts scientifiques à partir des données phénoménales, de sorte que tout concept pût être réduit à des concepts de base clairement associés à celles-ci. Dans La Structure de l'apparence, Goodman reprend le projet carnapien en lui donnant un sens nouveau qui ouvre la voie à une philosophie résolument originale, marquée par un nominalisme rigoureux dont ce grand livre fournit les outils essentiels. De Fait, fiction et prédiction (1953) à Langages de l'art (1968), les autres ouvrages de Goodman, bien que ce lien n'apparaisse pas toujours clairement, y puisent leur inspiration première.
Nominalisme et phénoménisme
Le projet de Nelson Goodman, dans La Structure de l'apparence, s'inscrit dans la tradition de B. Russell, C. I. Lewis et R. Carnap, visant à une reconstruction rationnelle et logique des concepts de la connaissance scientifique. S'il se livre à une lecture attentive et critique de l'Aufbau de Carnap, il s'en écarte sur deux points essentiels : le choix de la base, et celui de la logique adoptée.
Carnap faisait appel à une logique des classes dont les difficultés étaient devenues patentes depuis les Principia mathematica de Russell. Afin de surmonter ces difficultés qui étaient également celles de Carnap, Goodman fait appel à une innovation majeure : le calcul des individus. Les seules entités dont l'existence est admise sont celles que permet de dériver une procédure stricte d'engendrement. Elles autorisent une association des parties dans des totalités spatio-temporelles, en fonction de relations qui peuvent être caractérisées formellement. Au lieu de tendre à la reconnaissance d'entités abstraites, toujours en voie de prolifération, le calcul des individus permet d'engendrer ces entités nécessaires comme des constructions, sur des bases exclusivement syntaxiques. Un système nominaliste est un système qui fait appel au seul calcul des individus.
Au demeurant, de telles possibilités s'accordent avec un choix différent des éléments de base du système. Carnap faisait appel à des vécus élémentaires (Elementaerlebnisse), au titre des données phénoménales sur lesquelles devaient s'articuler les concepts de base ; Goodman choisit des unités non concrètes : les qualia, qui sont comme les valeurs des variables du système. Il nomme Konkretum le tout que forme, par exemple, un quale occupant une certaine place dans le champ visuel à un certain moment. Il s'agit donc de savoir comment les qualia se conjuguent pour former des objets phénoménaux, et non pas l'inverse.
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Écrit par
- Jean-Pierre COMETTI : professeur honoraire des Universités
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