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LA TENTATION DE SAINT ANTOINE, Gustave Flaubert Fiche de lecture

Gustave Flaubert - crédits : Courtesy of the Bibliotheque Municipale, Rouen

Gustave Flaubert

La tentation de saint Antoine a hanté Gustave Flaubert (1821-1880) et l'a accompagné durant toutes ses années d'écrivain. Dès l'âge de vingt-quatre ans, lors d'un voyage en Italie, il découvre le tableau de Bruegel représentant les visions de l'ermite et rêve d'adapter la Tentation au théâtre, sans mésestimer la difficulté de la tâche : « Cela demanderait un autre gaillard que moi. » En 1846, il accroche au mur de sa chambre une reproduction du tableau dont le « grotesque triste » a pour lui un « charme inouï ». En 1848, il s'attelle à son projet. En 1872, il s'y consacre toujours : « Au milieu de mes chagrins, j'achève mon Saint Antoine, c'est l'œuvre de ma vie puisque la première idée m'en est venue en 1845, à Gênes [...] et depuis ce temps-là, je n'ai cessé d'y songer et de faire des lectures afférentes. » C'est que, durant près de trente ans, Flaubert a remis trois fois l'ouvrage sur le métier.

L'œuvre d'une vie

En 1848, désireux de livrer son premier chef-d'œuvre, il y jette toute sa fougue de jeune homme. Il dépouille des centaines de livres érudits, comme les Mémoires ecclésiastiques de Tillemont, la Patrologie de Migne, l'Histoire du gnosticisme de Matter ou Les Religions de l'Antiquité de Creuzer. À partir de notes accumulées, il aboutit à un manuscrit énorme, boursouflé où il donne libre cours à l'exaltation mystico-philosophique qui marquait déjà des essais antérieurs tels que Un rêve d'enfer, La Danse des morts ou Smarh. Des jours durant, en 1849, il lit son texte à ses amis Louis Bouilhet et Maxime du Camp qui, abasourdis, inquiets pour son équilibre nerveux, lui enjoignent d'abandonner ces extravagances romantiques et de s'imposer le sujet de roman le plus banal qui soit : ce sera Madame Bovary. Aussitôt le livre paru, en 1856, Flaubert reprend le manuscrit de La Tentation et l'élague, ne gardant que 193 feuillets sur 541. Il décide toutefois de ne pas le publier et se contente d'en donner quelques extraits dans la presse. Enfin, en 1870, après l'échec de L'Éducation sentimentale, alors que les Prussiens occupent sa maison, il retourne une fois encore à ce que Baudelaire appelait la « chambre secrète » de son esprit.

La version qu'il publie en 1874, la seule éditée de son vivant, est la plus épurée des trois et n'a conservé qu'un tiers du texte initial. Antoine a perdu son cochon, bête de carnaval qui reprenait les propos du saint dans un écho dérisoire. Le grand drame de 1849, qui surpassait dans la démesure le Faust de Goethe, paraît réduit à un synopsis et n'a gardé, dans l'éventualité d'une représentation, qu'un minimum d'indications scéniques : « C'est dans la Thébaïde, en haut d'une montagne, sur une plate-forme, arrondie en demi-lune, et qu'enferment de grosses pierres. » Quant à la multitude grouillante des scènes et des personnages, elle se résume à quelques épisodes et figures stylisés.

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Écrit par

  • : agrégé de lettres modernes, ancien élève de l'École normale supérieure

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Média

Gustave Flaubert - crédits : Courtesy of the Bibliotheque Municipale, Rouen

Gustave Flaubert

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  • FLAUBERT GUSTAVE (1821-1880)

    • Écrit par
    • 9 824 mots
    • 1 média
    Dès juin 1869, avant même d'avoir fini les corrections sur le manuscrit de L'Éducation, Flaubert annonce son intention d'écrire un Saint Antoine tout nouveau : « Tout mon ancien ne me servira que comme fragments. » Cette troisième et dernière version sera pratiquement achevée en 1872...