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LA TERRE, film de Youssef Chahine

Né à Alexandrie, Youssef Chahine (1926-2008), après des études de cinéma et d'art dramatique à la Pasadena Playhouse en Californie, signe en 1956 un premier film militant, Les Eaux noires (Sirā'fī al-minā'), dans lequel, sur une toile de fond mélodramatique, il introduit le réalisme social de la vie ouvrière. La Gare centrale (Bāb al-hadīd, 1958), film mieux maîtrisé, traite de l'exil rural. Son troisième film important, La Terre (El Ard), sort dix ans après et marque une première véritable reconnaissance internationale du cinéma égyptien. Le film devient un classique et gagne une audience exceptionnelle au Proche-Orient. Sa sortie en France, à l'occasion du festival de Cannes en 1970, coïncide avec la disparition du chef d'État égyptien Gamal Abdel-Nasser.

Film charnel

Tourné au Fayoum, dans le delta du Nil, La Terre retrace une légende et se fait également chronique au quotidien d'un village égyptien des années 1930. Venu du Caire, un enfant retourne chez son père passer des vacances au village. Symbole de l'innocence, cet enfant sera le témoin des injustices et de la violence. Au Caire, on manifeste contre l'occupant britannique. Au village, microsociété où la vie semble suspendue, on se remémore les luttes de 1919. Mais les préoccupations sociales sont au cœur de la vie quotidienne. Les paysans y sont toujours exploités par des seigneurs féodaux. Dépourvus d'eau, ils restent néanmoins attachés à leurs terres et cultivent sans réels moyens le coton. De hauts fonctionnaires décident de tracer une route à travers leurs champs pour desservir le palais du Bey, seigneur issu de la monarchie du roi Farouk (1902-1965). Le rationnement d'eau et les procédures administratives arbitraires poussent les paysans à la révolte. Sans avoir été entendues, les principales figures du village sont arrêtées puis battues avant d'être relâchées. Le maire du village reste aux ordres des propriétaires terriens. Avant l'assaut, un officier de police d'origine rurale pactise avec les paysans. Mais la trêve sera éphémère et, après la récolte, l'armée réprimera violemment leur révolte. Dans la séquence finale, un cavalier traîne le corps du fellah, le leader du mouvement, arraché à sa terre et qui laisse derrière lui un dernier envol de poussière.

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Écrit par

  • : maître de conférences, sociologue à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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