TERREUR LA
La « volonté punitive » engendrée par une réaction d'autodéfense s'observe d'une manière constante depuis le début de la Révolution française. Elle éclate au grand jour lors des « émotions » populaires, le 14 juillet 1789, le 10 août, pendant les massacres de Septembre. Le désir de créer des tribunaux spéciaux, chargés de juger les crimes contre-révolutionnaires, se manifeste dès les premiers jours de la Commune insurrectionnelle : le 17 août 1792, elle obtient la création d'un tribunal extraordinaire, dont les jugements ne pourraient faire l'objet d'un recours en cassation. La Convention girondine fit supprimer ce tribunal dès le 29 novembre suivant.
Devant la montée des périls extérieurs et des troubles intérieurs, la Convention montagnarde ramena la Terreur à l'ordre du jour et en fit un moyen de gouvernement. Il ne s'agit plus seulement de juger les contre-révolutionnaires, mais tous ceux qui ne sont pas de bons citoyens, de vrais sans-culottes. Toute une administration terroriste s'installe au printemps 1793 et, le 5 septembre, la Convention « met la Terreur à l'ordre du jour ».
Les comités de surveillance, créés le 21 mars 1793, furent soumis le 17 septembre suivant au contrôle du Comité de sûreté générale. Le 10 mars 1793 fut créé le Tribunal révolutionnaire, appelé à juger de tous les crimes contre-révolutionnaires, sans appel ni recours, suivant une procédure simplifiée que la loi du 22 prairial an II (10 juin 1794) rendit encore plus sommaire : la défense et l'interrogatoire préalable des accusés étaient supprimés, les jurés pouvaient se contenter de preuves morales, le tribunal n'avait plus le choix qu'entre l'acquittement ou la mort. « Il ne s'agit plus de punir les ennemis de la patrie, il s'agit de les anéantir. » À cela vient s'ajouter la pratique de l'amalgame qui permet de juger ensemble des hommes qui n'ont d'autre point commun que d'être solidaires dans leurs menées contre la nation. Les « conspirations des prisons », établies sur de bien faibles indices, permettent d'expédier à la guillotine des fournées considérables dans ce début de l'été 1794.
Après avoir frappé les seuls contre-révolutionnaires, on vise les modérés, les commerçants suspects d'avoir vendu au-dessus du maximum, les accapareurs, les prêtres, les fidèles, les coupables de propos trop critiques ou moqueurs, finalement n'importe qui, et c'est bien là le principe de la Terreur : chacun doit être menacé pour se comporter en excellent sans-culotte.
Certains départements ont connu une Terreur extrêmement violente dirigée par les représentants en mission, en particulier lors de la répression de l'insurrection fédéraliste ou de la rébellion vendéenne. Tallien à Bordeaux, Barras et Fréron à Toulon, Collot d'Herbois et Fouché à Lyon, Carrier à Nantes anéantirent de leur mieux les ennemis de la République, quitte à remplacer la guillotine par d'autres moyens plus expéditifs : noyades ou mitraille. Ces divers champs d'action ne connaîtront pas une répression de même envergure ni surtout de même longueur. Au début du printemps de 1794, l'usage de la guillotine se fait nettement plus parcimonieux en province. Par contre, à partir de la loi du 22 prairial, la « Grande Terreur » multiplie, du moins à Paris, ses ravages à un rythme terrifiant : c'est le moment où la machine s'affole, où, suivant l'expression de Fouquier-Tinville, « les têtes tombent comme des ardoises », où naît le dégoût du sang, où personne ne se sent à l'abri. Si la Terreur a été la « force coactive » qui a permis aux Montagnards de triompher de leurs ennemis, elle a détourné de la Révolution bon nombre de ceux qui avaient applaudi à ses commencements. Le ressentiment contre les « hommes de sang » subsistera longtemps après le 9 thermidor et explique[...]
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Écrit par
- Jean DÉRENS : archiviste-paléographe, bibliothécaire à la bibliothèque historique de la Ville de Paris
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