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LA THÉORIE DE LA RÉGULATION : UNE ANALYSE CRITIQUE, Robert Boyer Fiche de lecture

L'approche en termes de régulation prend son essor dans les années 1970, alors que la stagflation ébranle le schéma de la politique keynésienne et montre les limites de la théorie marxiste traditionnelle dans l'explication des crises du capitalisme. La théorie néo-classique réaffirme alors sa lecture des crises, fondée sur l'altération des mécanismes autorégulateurs du marché. Dans ce contexte, l'approche de la régulation se présente comme une voie alternative, d'une part, en mettant l'accent sur les institutions et en retenant une perspective transdisciplinaire, d'autre part, en rejetant la théorie néo-classique et l'individualisme méthodologique. Si des différences théoriques séparent les nombreux économistes (Michel Aglietta, Alain Lipietz, Jacques Mistral) qui fondent cette approche, l'ouvrage de Robert Boyer La Théorie de la régulation : une analyse critique, présente les notions fondamentales et la méthodologie de ce qu'on appelle, depuis sa publication en 1986, la « théorie de la régulation ».

Formes institutionnelles, régimes d'accumulation et modes de régulation

La structure de l'ouvrage reflète son ambition : il s'agit de proposer une vision synthétique de la régulation, présentant à la fois une « mise en perspective » d'un programme de recherche né dix ans auparavant (chap. i et ii) et un « bilan critique » ouvrant la voie à de nouvelles recherches (chap. iii et iv). Le deuxième chapitre (« La Régulation : mode d'emploi concepts et méthodes ») est le plus important, puisqu'il fournit la « boîte à outils » d'une nouvelle macroéconomie en mettant l'accent sur trois notions : les « formes institutionnelles », les « régimes d'accumulation » et le « mode de régulation ». Cette méthodologie permet alors d'étudier les dynamiques du capitalisme, d'effectuer une typologie des crises et d'analyser en particulier le « fordisme ».

La théorie de la régulation s'intéresse à la forme précise des « rapports sociaux fondamentaux » : la « forme institutionnelle », qui recouvre « toute codification d'un ou plusieurs rapports sociaux fondamentaux ». Cinq formes institutionnelles sont distinguées : le rapport salarial, la monnaie, la concurrence, l'État, l'insertion dans la division internationale du travail. Les combinaisons multiples de ces formes institutionnelles caractérisent un « mode de régulation », défini par sa capacité de reproduire les rapports sociaux, de soutenir le régime d'accumulation et de rendre compatibles les décisions décentralisées. Cette définition fonctionnelle du « mode de régulation » repose donc à la fois sur les formes institutionnelles et sur les « régimes d'accumulation », conçus comme « l'ensemble des régularités assurant une progression générale et relativement cohérente de l'accumulation du capital ».

Ces trois notions sont imbriquées dans une dynamique historique, caractérisée par une succession de formes structurelles et de régimes d'accumulation – le passage d'un état à l'autre s'effectuant par des ruptures ou des crises. La problématique de la régulation conduit à distinguer deux catégories de crises : les crises « conjoncturelles » (qui apparaissent dans le processus de régulation existant) et les « crises structurelles » (qui constituent une remise en cause du mode de régulation existant), les plus importantes. La crise structurelle peut résulter de l'incapacité du mode de régulation à assurer la poursuite du processus d'accumulation, à l'instar de la crise de 1929. Elle peut aussi trouver son origine dans l'épuisement même des ressorts du régime d'accumulation. Ce dernier cas est illustré par le « fordisme », au cœur de l'explication régulationniste[...]

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Écrit par

  • : chercheur au G.R.E.S.E. (Groupe de recherches épistémologiques et socio-économiques), université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne

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